"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

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CHAPITRE IV.

zélés ont rendu à Mérimée le mauvais service de souligner avec trop d’enthousiasme la pittoresque figure de Maglanovich. Mérimée fut trompé, soit, et c’est le plus probable, par Ch. Nodier qui donnait une grande importance à la personnalité de « l’Homère esclavon », soit par Fortis, qui parle une fois de Triboco. village qui était la patrie de « Pappizza, paysan improvisateur qui, né vers la fin du xvn e siècle, est encore célèbre après sa mort, à cause de la quantité de ses poésies, qu’il chantait lui-même en s’accompagnant delaguzla, et dont il semble qu’on a perdu le souvenir l ». A notre avis, les Chants populaires de la Grèce moderne de Fauriel ont largement contribué à pareille méprise. Dans son introduction, le savant ami de Mérimée avait longuement parlé des chanteurs grecs, des difficultés qu’on a pour se procurer leurs récits, etc. L’auteur de la Gus: la nota soigneusement cela pour s’en servir dans la notice qu’il plaça en tête du volume. Mais c’est surtout dans les chants mêmes des Grecs qu’il trouva les formules naïvement orgueilleuses qu’il prodigua dans ses ballades illyriques. Celle-ci, par exemple, que nous tirons de Fauriel, semble appartenir à la Guzla : « Je m’arrête pour vous faire un récit [dont vous] serez bien émerveillés 2 . »Ou bien une autre : «J’ai donc composé cette histoire: et je la joue sur ma lyre, pour mon divertissement : car quiconque sait parler avec agrément et avec raison, peut faire qu’un cœur attristé reçoive des consolations. C’est Manuel de Seti, fils du Pappas Hiéronyme, Charciote, qui est l’auteur de toute cette bis-

1 Voyage en Dalmatie, t. I, p. 232. ■2 Claude Fauriel, Chants populaires de la Grèce moderne, 1. I, p. 213.