"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

« HYACINTHE MAGLANOVICH. »

241

toire. » Ou bien, enfin, celle-ci : « Celui qui bien écoute, bien aussi raconte, s’il lui arrive de bien rappeler [les faits] dans sa tète. Et moi aussi j’ai écouté, et j’ai fait une Georgide, sur George Skaloverga de la plaine. Comme je ne sais point lire, pour ne point oublier cette histoire, j’en ai fait une chanson, afin d’en bien conserverie souvenir l . » Quant à la prétendue ruse du barde illyrique, qui aurait l’habitude de s’interrompre à l’endroit le plus intéressant de son récit, pour faire une quête, elle n’est mentionnée ni par Fortis et Nodier pour les Serbes, ni par Fauriel pour les Grecs modernes. Nous ne savons si le chanteur grec était capable de tant d’habileté, mais pour le guzlai’ serbo-croate naturellement simple et enthousiaste, nous pouvons dire que cette sommation pressante serait contraire à son caractère national. Aussi nous faut-il comprendre combien fut blessée la susceptibilité des critiques serbes de 1827 ; ils reprochèrent amèrement à l’auteur de la Guzla d’avoir calomnié par cette fausse assertion tout un peuple 2 . Pourtant, si Mérimée attribuait mal à propos cette ruse professionnelle, il ne l’avait pas inventée. Le jongleur français la connaissait bien avant lui et la pratiquait quelquefois : Huimès commence chançon à enforcier Que vous orrez, se donez un denier, dit-on dans une chanson de geste citée par M. Léon Gautier 3 . Mérimée, qui avait pour amis, à l’époque où il composait la Guzla, un futur historien de la littérature française au moyen âge (J.-J. Ampère) et un futur

1 Idem, t. 11, pp. 367 et 359. 2 Serbské de Budapest, t. XX, pp. 132-134. 3 Les Épopées françaises, t. 11, Paris, 1892, p. 262. 16