"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

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CHAPITRE IV.

historien de lapoésie provençale (Claude Fauriel), n’avait que trop l’occasion de s’initier à la vie intime des anciens poètes ambulants. Nous savons,,,du reste, que Fauriel prodiguait les anecdotes, les traits saillants et pittoresques, et que ses amis moins savants, mais non moins littérateurs, Stendhal surtout, exploitaient volontiers cette mine vivante. D’autres sources, moins importantes celles-là, servirent à la Notice sur Hyacinthe Maglanovich. Ainsi, tout au début, Mérimée raconte que son poète fut enlevé à l’âge de huit ans « par les Tchingénehs ou bohémiens » et que « ces gens le menèrent en Bosnie », le « convertirent sans peine à l’islamisme qu’ils professent pour la plupart » et que « un ayan ou maire de Livno le tira de leurs mains et le prit à son service ». Il faut rapprocher ces détails du Voyage en Bosnie par Amédée Chaumette-Desfossés (Paris, 1812), où l’on parle de « Tchinguènèh (Bohémiens), gens les plus misérables et les plus dégoûtants », qui « professent, en apparence, le musulmanisme », mais « sont tellement méprisés qu illeur est défendu d’entrer dansles mosquées 1 », et où l’on explique longuement quel est le rôle d’un ayan A cet ouvrage est dû aussi, semble-t-il, le nom même de Maglanovich, dérivé probablement de Maglay (Maglaï), ville de Bosnie, dont il est parlé à plusieurs reprises 3. Il est douteux que Mérimée ait connu le mot serbo-croate magla (qui veut dire le brouillard); le seul autre auxiliaire possible pour fabriquer le nom de Maglanovich. En effet, on ne le trouve dans aucun des ouvrages consultés par Mérimée à l’occasion de ses ballades. M. Leger croit que l’auteur de la Gusla

1 Voyage en Bosnie, p. 65. 2 Idem, pp. 43,107 et suiv. 3 Idem, pp. 28, 45 et 105.