"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

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CHAPITRE IV.

est revenu à plusieurs reprises, jamais avec plus de bonheur que dans la Guzla », a très justement remarqué M. Filon 4 . Non seulement Mérimée est le traducteur de son poète, mais il en est encore le commentateur sans prétention. Quand il avait collectionné ces ballades, il s’imaginait être le « seul Français qui pût trouver quelque intérêt à ces poèmes sans art, production d’un peuple sauvage ». Ses amis lui ont persuadé qu’elles seraient agréables au public; peu jaloux de son trésor, il a bien voulu les lui faire connaître et les lui expliquer. A tout cela, il n a pas beaucoup de mérite : grand amateur de voyages, sans occupations bien importantes, il a pu parcourir le pays qu’il habitait et, au hasard de ses découvertes, rassembler quelques fragments assez curieux cl anciennes poésies. Comme il a affaire à des coutumes parfois fort différentes de celles des autres pays, il fournira toutes les explications qu’il pourra donner pour faciliter la lecture de ces poèmes ; il dira ses conjectures, ce qu’on lui a rapporté, sans jamais rien affirmer dont il ne soit sûr. Il emploie volontiers des formules assez vagues : on dit que... il est vraisemblable... c’est sans doute... etc. Pourquoi rechercher à toute occasion la certitude; ces ballades valent-elles la peine qu’on se livre à un véritable travail d’exégèse; pour lui il n’est qu’un simple amateur, qui n’approfondit pas les choses d’aussi près; toute explication lui semble bonne pourvu qu’elle permette d’interpréter et de comprendre son texte ; il collectionne des ballades comme un autre des

1 A. Filon, Mérimée (Collection des Grands Écrivains français), Paris, 1898, p. 28. « La biographie du prétendu barde Maglanovich, les notes, les appendices... toute cette partie accessoire de l’œuvre a une physionomie et un sens. »