"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

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CHAPITRE IV.

vendetta illyrienne : la lutte longue ét acharnée du vieux bey Jean Veliko avec ses « ennemis de l’Est ». Le bey de Nodier a eu vingt-quatre fils, tous tués dans les combats avec le « cruel Pervan » ; celui de Mérimée en avait douze: « cinq sont morts au gué d’Obravo ; cinq sont morts dans la plaine de Rebrovje ». Jean Veliko avait un fils qu’il chérissait entre tous ; ses ennemis l’ont enlevé, tout comme Pervan enleva la belle Iska; ils l’ont enfermé « dans une prison dont ils ont muré la porte ». Il lui reste un fils, Alexis, « trop jeune pour la guerre », le dernier descendant des Veliko: c’est avec cet enfant qu’il fuit devant Nikola Jagnievo, Joseph Spalatin et Fédor Aslar; il passe la rivière Mresvizza et se réfugie chez son ami George Estivanich. Et George Estivanich le reçoit sous sa protection; il mange le pain et le sel avec le bey Jean Veliko, et « nomme Jean le fils que sa femme lui a donné ». Or, Nicolas Jagnievo, et Joseph Spalatin, et Fédor Aslar se sont réunis à Kremen. Ils ont bien mangé et bu de l’eau-de-vie de prunes et ils ont dit tous ensemble : « Que Jean Veliko meure avec son fils Alexis ! » Le lendemain de la Pentecôte, ils descendent de la montagne avec leurs heyduques en armes. Ils passent la Mresvizza et s arrêtent devant la maison de George Estivanich. « Que venez-vous faire, beys de l’est ? que venez-vous faire dans le pays de George Estivanich ? Allez-vous à Segna complimenter le nouveau podestat? » « Nous n’allons pas à Segna, fils d’Étienne, a répondu Nicolas Jagnievo ; mais nous cherchons Jean Veliko et son fils. V ingt chevaux turcs, si tu nous les livres. » « Je ne te livrerai pas Jean Veliko pour tous les chevaux turcs que tu possèdes. Il est mon-hôte et mon ami. Mon fils unique porte son nom. » Alors a dit Joseph Spalatin: « Livre-nous Jean Veliko, ou tu feras couler du sang. Nous sommes venus de l’est sur des chevaux de bataille, avec des armes chargées. » « Je ne te livrerai pas Jean Veliko, et, s’il te faut du sang, sur