"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

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CHAPITRE IV.

morts. Jean et George sont vengés. L’aubépine de Veliko a refleuri ; sa tige ne périra pas ! » Ceux qui connaissent l’Orphelin de la Chine remarqueront que l’histoire du jeune Alexis rappelle singulièrement l’histoire du jeune prince dans la tragédie de Voltaire. En effet, après avoir emprunté à Nodier l’idée, point de départ, de sa ballade, à l’abbé Fortis quelques détails sur le sentiment delà vengeance chez les « Morlaques », Mérimée eut recours àun drame chinois pour l’intrigue ; nous voulons dire la traduction du drame : Tchao-Chi-Cou-Ell ou le petit Orphelin de la maison de Tchao que le père Du Halde avait insérée dans sa Description de la Chine (1735) et qui fut la source principale de la tragédie de Voltaire 1 . Dans cette pièce, il s’agit de sauver de la mort un jeune orphelin, rejeton d’une illustre famille; l’ouvrage entier, féroce jusqu’à la barbarie, éclate en dévouements tout aussi sauvages. Le roi Ling-Kong a deux ministres préférés : TchaoTun, ministre des choses civiles, et Ton-an-Kou, ministre des choses militaires. Ce dernier est l’ennemi mortel de l’autre, et il parvient à faire massacrer toute la famille de Tchao-Tun, excepté sa femme qui est enceinte. Deux amis sont restés à cette femme, malgré ses malheurs, Tching-Ing et Kong-Sun-Tchou-Kiéou. Ils se décident à sauver l’héritier deTchao-Tun. TchingIng a un fils ; il le fait passer pour le fils de Tchao auprès des autorités chinoises devant lesquelles il accuse son ami Kong-Sun-Tchou-Kiéou d’avoir dérobé cet ennemi public aux recherches de la justice : Kong-SunTchou-Kiéou est tué avec le fils de Tching-Ing, qui

1 Jean-Baptiste ;Du Halde, Description de la Chine, Paris, 1735, 4 vol. in-folio. (Tome 111, pp. 339-378.)