"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

UNE INSPIRATION CHINOISE.

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passe pour l’héritier de Tchao, et ainsi le véritable héritier est sauvé. Sauvé au prix de tant de sacrifices, l'orphelin grandit, parvient à reprendre l’autorité, se fait reconnaître et venge alors son père en même temps que l’infortuné Kong-Sun-Tchou-Kiéou, qui s’est dévoué pour lui. En 1755, Voltaire emprunta à ce drame le sujet de sa tragédie ïOrphelin de la Chine ; mais il a affaibli, par le mélange d'une intrigue amoureuse, une histoire pleine de sauvagerie tragique. ,C’est aussi une conception philosophique qui, dans l’Orphelin de la Chine, annihile la bonne volonté exotique de Voltaire 1 . GengisKhan veut assurer son trône par la mort du dernier survivant de la dynastie qui régnait avant lui. C’est un enfant confié à un mandarin, Zam-Ti, qui, pour le sauver, est prêt à livrer son propre fils au tyran à la place du jeune prince. Idamé, l’épouse du mandarin, pour sauver son enfant, dénonce à Gengis-Khan la substitution. Le Tartare avait autrefois aimé Idamé et son ancienne passion se rallume, à la vue de cette femme. Il veut l’enlever au mandarin et l’épouser; mais Idamé, aussi fidèle épouse que mère tendre, propose à son mari de se tuer avec elle. Gengis-Khan les surprend au milieu de cette scène pathétique. Charmé de leur vertu, il fait grâce de la vie au jeune prince et prend le mandarin pour conseiller 2 . Ainsi dans l’adaptation que Voltaire a donnée de ce drame plein d’atrocités et de sublimes dévouements,

1 Pierre Martine, L’Orient dans la littérature française au XVII et au XVIII’ siècles, Paris, 1906, p. 220. 2 Un professeur serbe, M. Romanovitch, a fait représenter et imprimer, il y a quelques années, un « psychodrame » intitulé : Prokop, fondé sur la même histoire. M. Romanovitch a oublié de nous indiquer sa source.