"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

LES SOURCES: « CHANTS GRECS ». .

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les trois cents Fabius au Crémère; en France Roland à Roncevaux, l'lllyrie fantaisiste de Mérimée aura Radivoï et ses vingt cousins. Dans la quatrième, le Cheval de Thomas 11, Mérimée brode sur un thème des plus connus dans la poésie populaire de toutes les nations : l’attachement du cheval à son maître. Nous connaissons Xanthos le cheval d’Achille, le poulain Babiéca du Cid ; le héros des chants serbes Marko Kraliévitch a son cheval Charatz; ne fallait-il pas que Thomas II eût son cheval aussi ? Mérimée a appris que les chevaux parlent souvent, de Fauriel, dans les Chants grecs.

Vévros et son cheval. A Vardari, à Vardari, dans la plaine de Vardari, Vévros, las! était gisant; et son cheval moreau lui dit : « Lève-toi, mon maître, et cheminons ; voilà notre com pagnie qui s’en va. » « Je ne puis cheminer, mon moreau ; —je vais mourir. Viens creuse la terre avec tes pieds, avec tes fers d’argent ; enlève-moi avec tes dents, et dans la terre jettemoi, puis prends aussi mon mouchoir et le porte à ma belle amie, pour qu’elle me pleure en le voyant 1 ...»

Le Cheval de Thomas 11. « Pourquoi pleures-tu, mon beau cheval blanc ? pourquoi hennis -tu douloureusement ? N’es-tu pas harnaché assez richement à ton gré? n’as-tu pas des fers d’argent avec des clous d'or? n’as-tu pas des sonnettes d’argent à ton cou ? et ne portestu pas le Roi de la fertile Bosnie? » « Je pleure, mon maître, parce que l'infidèle m’ô'tera mes fers d’argent, et mes clous d’or et mes sonnettes d’argent. Et je hennis, mon maître, parce que avec la peau du Roi de Bosnie le mécréant doit me faire une selle 2 . »

Que Mérimée ait songé à Fauriel quand il composa sa ballade, c’est chose sûre, car trente ans plus tard, parlant de la poésie albanaise, il va dire : « On notera que

1 Fauriel, Chants populaires de la Grèce moderne, t. 11, p. 135. - La Guzla, p. 249.