"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

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chapitre v.

Toutes ces informations, Mérimée se les rappelle au moment où elles lui deviennent nécessaires; et, d’abord, son poète Maglanovich n’est pas un poète ordinaire, un songe-creux, qui ne sait qu’arranger des mots ensemble; avant de promener sur la guzla l’archet qui lui sert à en tirer des sons tantôt gémissants et plaintifs, et tantôt frémissants comme les éclats d’une violente colère, Maglanovich a manié d’autres instruments et plus d’un pandour est tombé sous son hanzar redoutable. La guzla du vieux chanteur dit toutes les passions qui jadis ont agité le cœur de l'heyduque jeune et vaillant que fut Maglanovich. C’est sa vie qu’il chante ce vieillard, ses passions et ses haines, ses compagnons, ses combats d’autrefois ; il est sincère en chantant ses héros, car leur vie est la sienne, et, tout ce qu’ils ont fait, il aurait pu le faire. Par deux fois, il a célébré ses anciens compagnons : dans les Braves Heyduques et dans le Chant de Mort. Les Braves Heyduques 1 . Comme Fauriel, Mérimée ne se donne pas seulement pour le traducteur de son poète, il en est également le commentateur; nous l’avons déjà vu, il se charge de faire savoir au lecteur tout ce que celui-ci pourrait ne pas connaître. Or, cette fois, toute sa science il la doit à Fortis; aussi est-ce dans les notes que nous chercherons, tout d’abord, à nous rendre compte de la dette qu’il a contractée envers l’auteur du Voyage. C’est d’après Fortis qu’il dépeint les heyduques, et dans le tableau qu’il en fait il se montre très fidèle à son guide qu’il suit, pour ainsi dire, pas a pas; 1 exemple suivant est bien fait pour rendre sensible la manière

1 La Guzla, pp. 67-71.