"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

LES SOURCES : « LA DIVINE COMÉDIE ».

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faim chasse quelquefois ces heyduques de leurs repaires... Le courage de ces gens est en proportion de leurs besoins et de leur vie dure. Quatre heyduques ne craignent pas d’attaquer... une caravane de quinze à vingt Turcs.

descendus tous les trois comme des loups enragés. Chacun a tué dix hommes, chacun a reçu dix balles dans la poitrine.

« Chacun a tué dix hommes, chacun a reçu dix balles dans la poitrine ! » Le récit est court, sec et froid, trente-trois morts en treize mots! mais il est plein d’effet. Le vieux Maglanovich ne s’attendrit pas, ni Mérimée non plus. Les faits se suffisent à eux-mêmes; ils portent en eux toute l’émotion qu'ils doivent provoquer. Rien de plus impersonnel que ce poème. L’auteur a voulu nous donner une impression d’horreur d’abord; nous faire admirer, ensuite, la grandeur sauvage de ces hommes pour qui la mort est si peu de chose ; il n’a nullement voulu émouvoir notre pitié. Un souffle dramatique anime tout le récit ; un drame épouvantable se déroule sous nos yeux avec des phases horriblement longues et douloureuses, d’autres au contraire sont décrites avec une rapidité effrayante, comme tout cela se serait passé dans la réalité; on ne sait si l’on entend raconter une histoire, ou bien si l’on n’assiste pas véritablement aux événements qui y sont rapportés. On éprouve un sentiment pénible tant il y a d’horreurs accumulées volontairement, avec une froideur cynique : Hyacinthe Maglanovich nous fait peur; qui ne reconnaîtra pas la main de Mérimée dans cette histoire? Pourtant cette ballade n’est pas sans ressemblance avec les véritables poésies serbes, et M. Jean Skerlitch avait raison de comparer 1 les malheurs de Christich

1 Srpski kgnijevni Glasnik du 1" décembre 1901, p. 358.