"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

les sources : fortis (suite).

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Les femmes morlaques prennent quelque soin de leurs personnes pendant qu’elles, sont libres : mais, après le mariage, elles s’abandonnent tout de suite à la plus grande malpropreté ; comme si elles voulaient justifier le mépris avec lequel leurs maris les traitent. (Page 101.)

[En 1817, Je passai deux jours dans sa maison, où il me reçut avec toutes les marques de la joie la plus vive. Sa femme et tous ses enfants et petits-enfants me sautèrent au cow 1 ...] Cette réception est très agréable de la part d’une jeune fille, mais d’une femme mariée elle a ses désagréments. Il faut savoir que, sans doute par excès de modestie et par mépris pour le monde, une femme mariée ne se lave presque jamais Ja figure : aussi toutes sont-elles d’une malpropreté hideuse. [La Guzla, pp. 75-76.)

La plupart des détails relatés par Fortis sont exacts, excepté toutefois l’histoire de cette toque rouge que les prêtres arrachent aux jeune filles indignes de la porter. Et pourtant, malgré cela, l’Amante de Dannisiçh ne s’harmonise pas avec le ton de la véritable poésie, serbe. Il est évident que, lisant le Voyage, Mérimée ne se rend pas suffisamment compte du caractère moral, des coutumes nationales dont il y est parlé. Delà chez la jeune fille morlaque cette habileté montmartroise à tirer chaque jour quelque présent de ses adorateurs ; de là ce beau cynisme naïf avec lequel elle sen vante ; de là, enfin, cette note de sensualité tout à fait étrangère à la poésie populaire serbe 2 et qui a choqué tous les lecteurs slaves de la GuzlaK

1 Notice sur Hyacinthe Maglanomch. 2 Énumérant les titres et qualités de ses amants, la jeune fille, en vraie Espagnole, compare leurs talents de joueur de guzla, comme si cet instrument accompagnait les chansons d’amour! Mérimée avait-il oublié qu’il avait dit que « la plupart des joueurs de guzla sont des vieillards fort pauvres, souvent en guenilles » ? 3 P. V. Annenkoff, Matérialui dlia biografii Pouchkina, SaintPétersbourg, 1855, pp. 373-377.