"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

298

CHAPITRE V.

Gloire à Dieu et à la mère de Dieu, qui sont toujours en aide aux justes l . Ce n’est pas la seule piesma qui célèbre la guerre contre les Français. Il s’en trouve plusieurs autres dans les recueils serbes. De nos jours même, les guzlars bosniaques chantent la chute du « roi Napéléon Bonéparta 2 ». Ainsi Mérimée ne s’est-il pas trompé en choisissant pour sujet d’une de ses ballades, les Monténégrins, une bataille imaginaire entre les Français et les fils du Rocher Noir 3 . Des montagnards ont osé s’opposer à l’Empereur tout-puissant. Napoléon a dit : « Je veux » et vingt mille hommes sont partis pour les châtier. Ils n’ont pu résister à la bravoure de cinq cents héros de la liberté. Devant une poignée d’hommes, des milliers d’autres se sont enfuis. « Écoutez l’écho de nos fusils », a dit le capitaine. Mais avant qu’il se fût retourné, il est tombé mort et vingt-cinq hommes avec lui. Les autres ont pris la fuite. Vraiment, le poète serbe est plus obligeant pour Napoléon et les soldats français que ne l’est ici Mérimée; jamais il ne leur a dénié ni la valeur ni le courage, et la mort du brave faucon Campagnol est assurément plus héroïque que celle de l’anonyme capitaine de l’auteur de la Guzla. Quant à la forme, Mérimée n’a jamais été plus concis

1 Tchoubro Tchoïkovitch [Simo Miloutinôviteh], Piévania tzernogorska i herzégovatchka, Leipzig, 1837, n" 48. Nous suivons la traduction de M. d’Avril. 2 Dr. Friedrich Krauss, La Fin du roi Bonaparte, chanson des guzlars orthodoxes de la Bosnie, dans la Revue des traditions populaires, Paris, 1889, pp. 1-9,146-157. 3 La Guzla, pp. 245-248.