"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

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chapitre v.

Nous n’avons pu établir quelle fut la source de la seconde partie ; mais nous croyons fermement qu’ici encore, nous avonsaffaireà une sorte de contamination, et qu’on saura probablement un jour qui a fourni à Mérimée ce second épisode. Voici les textes dont il s’est inspiré dans le premier.

Colonel Voutier : ... Mais laissons-les, pour nous occuper des Monténégrins et de leur courtoisie que j’ai promis de vous faire connaître. Quelle que soit la fureur des querelles qui s’élèvent trop souvent parmi les Monténégrins, les femmes sont toujours religieusement respectées. Celte neutralité donne à ce sexe l’occasion de rendre d’importants services. Lorsque leurs maris sont en vendetta, elles les accompagnent partout et vont en avant visiter les lieux où l’on pourrait leur avoir tendu quelque piège. A la guerre elles font l’office de hérauts, servant d’éclaireurs, font les reconnaissances, et l’on a vu souvent les vaincus trouver un asile derrière elles. Y a-t-il rien de plus touchant ? Un des principaux habitants, qui me conlait ces détails comme la chose du monde la plus naturelle, me dit,que dans une occasion où il marchait contre un village, sa troupe, supérieure en nombre à celle du parti opposé, se promettait une victoire facile. L'ennemi fit ranger en haie toutes ses femmes et, à l’abri de ce rempart,

Mérimée : Serrai est en guerre contre Ostrowicz : les épées ont été tirées ; six fois la terre a bu le sang des braves. Mainte veuve a déjà séché ses larmes ; plus d’une mère pleure encore. Sur la montagne, dans la plaine, Serrai a lutté contre Ostrowicz, ainsi que deux cerfs animés par le rut. Les deux tribus ont versé le sang de leur cœur, et leur haine n’est point apaisée. Un vieux chef renommé de Serrai appelle sa fille: « Hélène, monte vers Ostrowicz, entre dans le village et observe ce que font nos ennemis. Je veux terminer la guère, qui dure depuis six lunes. » Les beys d’Ostrowicz sont assis autour, d’un feu. Les uns polissent leurs armes, d’autres font des cartouches. Sur une botte de paille est un joueur de guzla qui charme leur veille. Hadagny *, le plus jeune d’entre eux, tourne les yeux vers la plaine. Il voit monter quelqu’un

1 Mérimée a emprunté ce nom au Vampire de Polidori.