"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

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CHAPITRE V.

qui es plus blanche que le lait caillé, plus délicate qu’un agneau, plus pétulante qu’un jeune veau, toi dont la chair est plus ferme qu’un grain de raisin vert! (Idylle, II.) Sois heureuse, jeune femme, sois heureux, épouxaunoblebeau-père ! Que Latone, Latone par qui prospère la jeunesse, vous donne une belle progéniture ! (Idylle XVIII 1 .)

L’or de ton collier est moins brillant que ne sont tes cheveux, et le duvet d’un jeune cygne n’est pas plus doux au toucher.Quand tu ouvres la bouche, il me semble voir des amandes sans leur peau. Heureux ton mari! Puisses-tu lui donner des fils qui te ressemblent 2 !

Dans les deux pièces que nous venons de citer, l’imitation paraît intentionnelle ; il en est d’autres où elle n’est pas moins évidente, mais il n’est pas sûr qu’elle ait été voulue. C’est ainsi que Mérimée emprunte à Homère quelques expressions toutes faites : Il regardait Lepa de travers (p. 197), ùiïoopa lowv : il est mort misérablement à cause de la malédiction de son père (p. 29) rappelle l’expression si fréquente en grec de •/.ar.œç avec les verbes signifiant « mourir » et « faire mourir ». A certaines comparaisons on reconnaît de même que Mérimée se souvient de l’antiquité classique : Avez-vous vu une étoile brillante parcourir le ciel d’un vol rapide et éclairer la terre au loin. Bientôt ce brillant météore disparaît dans la nuit, et les ténèbres reviennent plus sombres qu’auparavant : telle disparut la vision de Thomas 3 . C’est la manière et l’esprit d’Homère et de Virgile. L’lllyrie de Mérimée est peuplée de chevriers comme

1 Traduction F. Barbier. Pour dépister le critique, Mérimée déclara dans une note que cet Impromptu fut fait à sa requête par un vieux Morlaque, pour une dame anglaise. Il fournit même une chanson kirghise « qui offre une grande analogie » avec la sienne ! 2 La Guzla, p. 187. 3 La Guzla,p. 39. « Avez-vous jamais lu Homère? écrivait Mérimée à M m ' de La Rochejacquelein.’Pour les héros grecs, c’était une grande douleur de mourir sans être pleuré, sans être enterré. » {Une Correspondance inédile, p. 19.)