"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

LE MERVEILLEUX DANS « LA GUZLA ».

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vampirische Geschichte- 1 ), cet impressionnant poème « où chaque mot produit une terreur croissante » et « indique, sans l'expliquer, l’horrible merveilleux de la situation 2 ». Une véritable orgie vampirique y est décrite dans la scène principale, « la plus extraordinaire que l’imagination en délire ait jamais pu se figurer », où, à l’heure de minuit, la jeune fille promise au jeune païen d’Athènes, puis faite chrétienne et religieuse, apparaît à son fiancé et « partage avec lui les dons de Gérés et de Bacchus », dans ce « mélange d’amour et d’effroi où il y a comme une volupté funèbre dans le tableau » et où « l’amour fait alliance avec la tombe, la beauté même ne semble qu’une apparition effrayante » : «Je suis poussée hors de la tombe pour chercher encore le bien qui me fut ravi, pour aimer encore l’homme déjà perdu, et sucer le sang de son cœur. Quand c’est fait de lui, je dois passer à d’autres, et les jeunes gens succombent àma fureur. » On a voulu voir dans ce poème une reconstitution poétique du monde païen ; mais d’après M. Stefan Hock qui s’en est tout particulièrement occupé, le fond de la Fiancée de Corinthe n’est pas du tout antique, mais au contraire moderne, et, chose des plus curieuses, absolument étranger aux personnages et au décor 3 . La Grèce moderne n’ignorait pas les vampires, mais ce n’est pas de ces études sur la Grèce moderne que Goethe tenait l’idée de cette jeune fille qui sort de sa tombe pour sucer le sang du cœur de son bien-aimé. Le poète allemand fut initié au vampirisme par le livre de dom Calmet et par quelques pages sur la même superstition dans le Voyage en Dalmatie de Fortis, d’où il avait

1 Hock, op. cit., p. 66. 2 M me de Staël, De l’Allemagne, 2* partie, ch. xm. 3 Hock, op. cit., pp. 66-89.