"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

318

CHAPITRE VI.

déjà traduit, vingt ans auparavant, la Triste Ballade. « Dans la Fiancée de Corinthe, dit M. Hock, Goethe a changé les costumes serbo-hongrois {sic) pour les costumes grecs, parce que, après son voyage en Italie, ces derniers lui semblaient plus universellement humains » L La Fiancée de Corinthe n’eut pas un gros succès en France. M me de Staël, si avancée qu’elle fût, n’aimait pas beaucoup cette ballade. « Je ne voudrais assurément défendre en aucune manière, disait-elle dans son livre De l’Allemagne, ni le but de cette fiction, ni la fiction elle-même ; mais il me semble difficile de n’être pas frappé de l’imagination qu’elle suppose... Sans doute un goût pur et sévère doit blâmer beaucoup de choses dans cette pièce 2 . »Le baron d’Eckstein, directeur du Catholique, qui aimait peut-être le plus intelligemment en France, après Fauriel, la ballade étrangère, accusait la Fiancée de Corinthe, pour des raisons faciles à comprendre, d’être d’une profonde immoralité 3 ; et le Mercure de France au XIX e siècle, qui ne manquait pourtant pas de sympathie pour les hardiesses de la nouvelle école, déclara, dans une critique amère de la traduction d’Émile Deschamps 4 , que «ce poème n'a rien de touchant pour nous 5 ». M me Panckoucke, qui traduisit aussi la Fiancée de Corinthe dans ses Poésies de Goethe (Paris, 1825), jugea les allusions au vampirisme de mauvais goût et les supprima purement et simplement. Le Moniteur (22 octobre 1825) loua surtout

1 Hock, op. cit., p. 69. 2 De l’Allemagne, 2“ partie, ch. xm. 3 F. Baldensperger, Bibliographie critique de Goethe en France, Paris, 1907, p. 193. 4 Parue dans ses Éludes françaises et étrangères, Paris, 1828. Goethe vantait cette traduction à Eckermann, le 14 mars 1830. 5 Baldensperger, op. cit., loc. cit.