"La Guzla" de Prosper Mérimee : les origines du livre - ses sources sa fortune : étude d'histoire romantique : thèse pour le doctorat d'Université

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CHAPITRE PREMIER.

pas les Italiens « les tout-puissants », mais leur donnent des noms moins respectueux tels que « foi de chien » ou « foi de Latin »; de même que les Anglais ne sont nullement pour eux les « guerriers de la mer », Toutes ces expressions poétiques furent créées de toutes pièces par la comtesse de Rosenberg, et c’est dans les Morlaques que M me de Staël les a prises. Nous avons déjà dit que les ballades prétendues dalraates qui se trouvent dans les Morlaques sont de pure fabrication vénitienne ; ainsi, l’appréciation qu’en donne M mo de Staël ne porte pas sur la vraie poésie serbocroate. Mais au point de vue pratique, il importait peu qu’elles fussent authentiques : cette page avait son importance pour avoir fait mentionner, en 1807, dans un livre à grand tirage et qui eut une grande vogue, l’existence d’improvisateurs parmi les Dalmates et celle d’une poésie nationale slave qui « ressemble un peu à celle d’Ossian ». Prosper Mérimée avait-il lu cette page de Corinne ? Et s’il l’avait lue, en avait-il gardé le souvenir? Il est difficile de le prétendre ou de le nier, mais il est aisé de voir, une fois de plus, que l’auteur de la Guzla n’était ni le « seul » ni le « premier » Français qui « put trouver quelque intérêt dans ces poèmes sans art, production d’un peuple sauvage », comme le relate si candidement la spirituelle préface de la Guzla. Ce passage de Corinne, peut-être inconnu de Mérimée, ne le fut pas de tout le monde. Le Globe, par exemple, vingt ans après, exprime le désir de voir paraîire en France une traduction de poèmes des Dalmates, « aussi célèbres chez eux qu’ils sont inconnus parmi nous » ; il va jusqu’à dire : « Il semble que la guzla des Slaves sera bientôt aussi célèbre que la harpe