La patrie Serbe

246 LA PATRIE SERBE

Lorsqu on arriva dans la plaine de Scutari le désastre devint complet. Les vagues humaines écroulées sur le rivage adriatique se rejoignirent etne trouvèrent rien...

Rien que l'eau salée de la mer riante, de la mer moqueuse qui jetait aux aflamés des coquilles vides et des algues inutiles...

Ainsi que nous l'avons déjà dit les soldats accomplirent une inimaginable prouesse en cherchant à sauver leurs canons. L'effort fut titanesque. Quand on parvint à Scutari, il ne restait, hélas ! que quelques batteries. La pensée saisit difficilement l'énergie colossale nécessitée par cetexploit. Les officiers avaient dit qu'il fallait garder les canons ; les hommes se firent tuer mais obéirent. Il n'y avait aucun chemin, aucun sentier. On dut se frayer une route avec des pics, dans la neige et le roc. Les soldats hissaient les batteries et les bœus des attelages sur les pentes presque droites. Le long des descentes vertigineuses, les corps humains calaienb les roues et se faisaient broyer. Souvent les pièces partaient à la reculade, entraînant à l'abime les servantse les bœuis : elles exterminaient ceux quelles rencon-

‘traient sur leur passage. Geux employés à les retenir étaient constamment mutilés, réduits en bouillie.

Plus on étudie cette retraite, plus on demeure stupéfait. L'admiration déborde de l'âme. Rien na jamais été comparable; peut-être que jamais rien de pareil n'existera. Eux-mêmes, les survivants de ce désastre sontincapables d'exprimer ce qu'ils ont traversé. Des livres entiers ne raconteraient pasle centième de la réalité. Si on connaissait, sion comprenait l'immensité de ‘douleur physique et morale, l'intense misère, le labeur sigantesque, l'héroïsme incomparable qu'ont fait naître cette tragédie, l'affection du monde irait au peuple serbe, à l’armée serbe, et le monde, s’il avait le moindre

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