La première Commune révolutionnaire de Paris et les Assemblées nationales

76 LA PREMIÈRE COMMUNE RÉVOLUTIONNAIRE DE PARIS

Le lecteur trouvera ailleurs, chez Michelet ou Ternaux, les circonstances de ces massacres propres à émouvoir sa sensibilité, à effrayer son imagination; je me bornerai ici à une sèche statistique : pendant ces six jours, on tua aux diverses prisons de Paris, l'Abbaye, les Carmes, Saint-Firmin, les Bernardins, la Conciergerie, la Force, Bicêtre, la Salpétrière, environ 1 350 prisonniers, pour la plupart prisonniers politiques, arrêtés tout récemment. C'était cette dernière catégorie que le massacre visait; le reste fut tué par occasion, par entrainement, ivresse de férocité.

A présent, demandons-nous qui a fait cela. Tous les documents contemporains répondent à la première heure : Le peuple. — Quelques-uns de nos historiens répondent, encore de nos jours : Le peuple!

« C’est le peuple. » — A ce mot, on se figure involontairement une masse d'hommes de toute classe, mais surtout des classes inférieures, agissant tumultueusement, d’un élan inconcerté, subit; et c’est bien Là en effet ce que les historiens en question veulent que nous nous figurions. Il nous est impossible de leur complaire.

D'abord le nombre d'hommes qui participèrent réellement au massacre ne s’éleva guère au-dessus de deux cents, lesquels se portèrent tantôt à telle prison, tantôt à telle autre, toujours les mêmes ou à peu près, et surtout toujours conduits par les mêmes chefs et procédant à peu près de même manière.

Deux cents! Cela répond à peine à une foule, et les procédés, les manières, font plutôt ressembler cette foule à une bande.

Considérons la durée. Si un peuple avait agi, il aurait envahi toutes les prisons à la fois, et il les aurait vidées en peu de temps; il n'aurait pas mis six jours à cette besogne. Voyons ensuite les circonstances secondaires : on tua de jour, on tua de nuit tout autant. Il ÿ eut des instants de repos, des accalmies assez longues, puis des reprises. Le peuple n’agit pas ainsi; une émeute ne 8e fait pas la nuit, et quand elle a entrepris une besogne, elle l’achève d’une fois, si du