La représentation des aristocraties dans les chambres hautes en France : 1789-1815

LA CONSTITUTION DE L'AN VIll 135 raineté du peuple (1) ». La réconciliation qui met laborieusement d'accord l'inventeur et le futur metteur en œuvre du système, s’opérera en partie aux dépens des

(1) Boulay (de la Meurthe) : Théorie constitutionnelle, p. 49-50, et, plus loin, ce passage qui édifie sur la sincérité des assertions de Lucien Bonaparte citées aux Annerres :

«Le même jour nous eùmes, Rœderer et moi, une dispute très vive avec Lucien Bonaparte. Il avait la tête fort montée ; il blâmait tout le système de Sieyès et les listes d'éligibilité, et le collège des conservateurs, et le corps législatif, et le tribunat, et toute la forme du gouvernement, « Vous voulez, disait-il, des conservateurs à vie, et qui mettez-vous dans ce corps ? Des hommes qui auront été membres des assemblées nationales ? Mais tous ces hommes déplaisent à la nation. On dira que vous voulez ressusciter les ducs et pairs, et qu'il vaudrait beaucoup mieux les avoir conservés, ainsi que le roi, au lieu d’un grandélecteur. » Tantôt il préférait la Constitution américaine, tantôt il parlait des Jacobins comme du parti le plus redoutable de la nation et de celui aux vues duquel il valait mieux se plier. « Quoi, lui disais-je, vous voulez nous donner la démagogie et la Constitution de 93? Mais vous en seriez les premières victimes. Q’aurez-vous à espérer avec le prétendant et les nobles ? Nous n’avons pas fait une révolution pour une famille, mais bien pour le pays et pour la liberté. Vous paraissez croire que tout le système que vous combattez n’a été imaginé que pour neutraliser votre frère et le perdre au bout de quelques mois, en le jetant dans le collège des conservateurs. Nous croyons pouvoir vous assurer que ce n’est là le but de personne... » (p. 52-53.)