La représentation des aristocraties dans les chambres hautes en France : 1789-1815

LA CONSTITUTION DE L’AN VIII 137 core amener Sieyès à retirer presque entièrement en réalité, au Sénat, le droit de se recruter lui-même (1). La faculté d’ostracisme est à son tour abolie. En même temps que le pouvoir d’absorber les citoyens dangereux, le Sénat perd, au profit du pouvoir exécutif, le droit de nommer les membres du Conseil d'État, et celui de

(1) « Le chiffre de 45 ans me paraissant trop élevé, je proposai celui de 40, et comme je n’en avai que 37, qu’ainsi je me fermais à moi-même l’entrée au Sénat, mon opinion n’en acquit que plus de poids. Je la motivai sur une considération qui n'avait point encore été alléguée : e’était la crainte que l’hérédité ne s’introduisit dans le Sénat par l'accord des pères de famille qui, selon toute apparence, en composeraient toujours la grande majorité et qui, maîtres de nommer à toutes les places vacantes dans leur sein, ne manqueraient pas de choisie tour à tour leurs fils, si ceux-ci étaient éligibles, quel que fût leur âge ; d’où il arriverait que l'autorité sénatoriale se trouverait insensiblement devenir le privilège, et en quelque sorte le patrimoine d’un certain nombre de familles et dégénérerait ainsi en oligarchie, la pire des institutions. Cette observation fut généralement sentie, et comme personne ne voulait d’hérédité pour aucune fonction publique, non seulement on accueillit comme condition l’âge de 40 ans, mais on décida, et ce fut Sieyès lui-même qui en fit la demande, que la nomination pour chaque place vacante ne pourrait se faire par le Sénat qu'entre trois candidats présentés, le premier par le corps législatif, le second par le tribunat, et le troisième par le chef du gouvernement... amendement important et qui rendait à peu près illusoire le droit qu'avait le Sénat de se compléter lui-même. »

Boulay.