La représentation des aristocraties dans les chambres hautes en France : 1789-1815

232 LA REPRÉSENTATION DES ARISTOCRATIES

« Pour donner d'autres appuis à la monarchie, écrit Benjamin Constant en 1814(1), él faut un corps intermédiaire : Montesquieu l’exige même dans la monarchie élective. Partout où vous placez un seul homme à un tel degré d’élévation, il faut, si vous voulez le dispenser d’être toujours le glaive en main, l’environner d’autres hommes qui aient un intérêt à le défendre. L'expérience concourt ici avec le raisonnement. Les publicistes de tous les partis avaient prévu, dès 1791, le résultat de l'abolition de la noblesse en France, bien que la noblesse ne fût revêtue d'aucune pérogative politique, et nul Anglais ne croira un instant à la stabilité de la monarchie anglaise, si la Chambre des pairs était supprimée. »

Une aristocratie : la noblesse, constitue l’un des appuis nécessaires du trône : telle est l'affirmation de Benjamin Constant. Chateaubriand, très pénétré des enseignements de l’Zsprit des Lois, pousse plus loin l’analyse (2) et distingue deux principes et deux fonctions de la noblesse : l’une monarchique, qui est de protéger la royauté ; en accomplissant cet office, la noblesse obéit à l'honneur qui est le principe de la monarchie ; — l’autre

(1) Esquisse de Constitution (Ch. IV. Du pouvoir représentatif), publiée le 24 mai 1814, c’est-à-dire après la Déclaration de Saint-Ouen (2 mai) et avant la promulgation de la Charte (4 juin).

(2) Réflexions politiques sur quelques écrits du jour et sur les intérêts de tous les Français, 18144. — V. plus particulièrement le chap. XV : Suite des objections des Constitutionnels. Ordre de la noblesse.