La représentation des aristocraties dans les chambres hautes en France : 1789-1815

THÉORIE DE MAHUL 239

multitude. Le trône est la première de ces existences : une aristocratie puissante, diverse, forte par ses nombreuses gradations, se range autour de lui : elle a des droits, des privilèges, des prétentions, qui choquent, qui contrarient la démocratie, et dont, par conséquent, la défense ne saurait être raisonnablement confiée aux mandataires de celle-ci. Si ce que prétend l'aristocratie est légitime, il est juste que cela soit convenablement protégé. Peut-être n'est-ce qu'une conquête usurpée par la force; mais, dans l'économie de l’ordre social, la force réelle et non factice devient bientôt, sinon une véritable légitimité, au moins une nécessité d'ordre public. Dans une nation où l'aristocratie est puissante, où elle possède beaucoup de terres, de richesses, de biens, où elle jouit de beaucoup d'influence, de lumière, de considération, il ne faut pas dire simplement qu'il est juste de lui faire une part considérable dans le gouvernement, mais il faut dire qu'il serait absurde ou même impossible de l'en exclure. Autant il est pernicieux et puéril de fabriquer une aristocratie artificielle, autant il est extravagant de vouloir méconnaître celle qui existe (1). »

(1) L'auteur poursuit : «L’aristocratie se consume et se modifie

par le laps-des siècles, comme elle naît et croit de leur durée. Mais la confiscation et l’échafaud peuvent à peine ébranler celle qui est encore debout. Notre Révolution vient d'en fournir un éclatant exemple : elle frappait l'aristocratie de son bras nerveux et brutal, Les noms nationaux étaient proscrits, les familles autrefois puissantes étaient persécutées; les hommes riches, éclairés, possesseurs des traditions sociales et du savoir public, étaient proscrits. Qu'allait-il rester après eux pour former-la ration? Des noms ignorés ou salis, des familles sans