La représentation des aristocraties dans les chambres hautes en France : 1789-1815

288 LA REPRÉSENTATION DES ARISTOCRATIES

€ qui était le fruit d’un abus exagéré de l'omnipotence « royale, devait naturellement appeler à son secours le « retour des anciens abus ; et son langage était d’au€ tant plus hautain qu'elle croyait ainsi singer mieux « le vieux gentilhomme. Peu de sympathie existait entre « ces deux classes ; il y en avait encore moins dans la « seconde, la noblesse impériale, pour l’une et pour « l’autre, Ces hommes nouveaux qui étaient sortis des « rangs et s'étaient placés à la tête du pays depuis « 1797 jusqu'en 1814, avaient senti de bonne heure « que leur accord ferait leur force (1). »

Sans doute la plupart de ces généraux étaient fatigués de parcourir l’Europe, las de vaincre, désenchantés d’avoir succombé, soucieux de jouir enfin de leur gloire, de leurs titres, de leurs richesses; mais oublieux, non pas (2). Quelque habitués qu'ils fussent à la soumission, les fonctionnaires, d'autre part, ne voyaient : pas sans ennui les émigrés « cadues, avec des airs et

(1) Mémoires d'un ministre du Trésor, &. IV, p. 176 et suiv. (2) Chateaubriand rapporte, dans les Mémoires d'outre-tombe, cet épisode de l'entrée de Louis XVIII à Paris :

« Au bout de la ligne était un jeune hussard à cheval, il tenait son sabre nu ; il le faisait sauter el comme danser dans un mouvement convulsif de colère. IL était pâle, ses yeux pivotaient dans leur orbite. Il ouvrait la bouche et la fermait tour à tour en faisant claquer ses dents et en étouffant des cris dont on n’entendait que le premier son. Il aperçut un officier russe ; le regard qu’il lui lança ne se peut dire. Quand la voiture du roi passa devant lui, il fit bondir son cheval, et certainement il eut la tentation de se précipiter sur le roi. »