La Serbie

Im Année. — No 47

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RÉDACTION et ADMINISTRATION 69, rue du XXXI Décembre - Genève Téléphone 14.05

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JOURNAL POLITIQUE HEBDOMADAIRE

PFaraissant tous

Rédacteur en chef: Dr Lazar Marrovié,

La Serbie et les fautes alliées

Le discours de Paris de M. Lloyd George sur.les fautes et les erreurs des Alliés a rappelé au monde entier le rôle de la Serbie et la légéreté avec laquelle la diplomatie a traité les questions balkaniques. .« Le sud, le sud si important avec sa porte ouverte sur l'Orient, était laissé à la garde d’un petit pays, avec une population deux fois moins nombreuse que celle de la Belgique, des armées épuisées par les luttes de trois guerres successives, et derrière lui, deux rois pertides, attendant le moment de le poignarder quand il aurait à se défendre contre un ennemi plus puissant. » Les conséquences de cette faute incroyable, comme l'éminent premier ministre la qualifie, {ont été désastreuses aussi bien pour la Serbie et le peuple serbe que pour tous les Ailiés. Au dernier moment, l’armée franco-anglaise est arrivée à Salonique pour empêcher au moins l’occupation par les Allemands de cette base navale par excellence. Depuis, l’armée serbe, après le calvaire d’Albanie, a été reconstituée et envoyée en Macédoine. Kaïmaktchalan a été conquis, Monastir a été pris, mais les espoirs d’un retour offensif de grand style ne se sont pas réalisés. L'armée d'Orient a en somme conservé son caractère de garnison de Salonique et c’est dans cette situation qu’elle

se-trouve.touiours malgré. les efforts _hé-.

roïques des troupes serbes pour avancer et délivrer le sol de la patrie. La diplomatie en a jugé autrement et elle n’a pas voulu attribuer à l’entreprise de Salonique l'importance qu’elle méritait. Au lieu de vouloir et de pouvoir réparer les échecs sübis et de relever ainsi lé prestige des Alliés en Orient, l’armée de Salonique a reçu la mission limitée de nous garantir contre une nouvelle avance austro-germano-bulgare. Nous ne voulons pas parler des obstacles, réels et sérieux, qui se seraient dressés devant tout élargissement du rôle de l’armée d'Orient, parce que ce ne sont pas ces difficultés qui ont immobilisé le front de Salonique. Ce ne sont que des prétextes pour défendre la politique de séparation des fronts. Aujourd’hui après le discours de M. Lloyd George on peut se demander si le particularisme qui a prolongé la guerre, prendra fin aussi sur le front oriental. Cette question est ‘doublement importante, car, d’un côté, l'Allemagne et ses alliés paraissent vouloir tenter aussi du côté de Salonique une offensive, qui, si elle réussissait, pourrait avoir des conséquences incalculables. Et d’autre part la formule des fronts principaux et accessoires a perdu toute sa valeur pratique. Il n’y a en ce moment qu'un seul front de bataille dont l’immensité permet des solutions diverses. Comme le disait l'autre jour la « Freie Zeitung» de Berne, l’'écroulement de l’entreprise mondiale de Napoléon se produisit sur les fronts excentriques, et il est probable que le plan de domination mondiale de Guillaume trouvera son tombeau sur un point éloigné du centre des opérations militaires. L'auteur de larticle en question faisait précisément allusion au front de Salonique, et Son article se termine par cette question intéressante : « Qu’adviendrait-il de l’entreprise mondiale allemande, si l’armée de Salonique, renforcée et bien préparée, se mettait en mouvement, coupant le chemin qui relie Berlin à Constantinople? » Poser cette question, «C'est la résoudre. \

Nous espérons que de telles réflexions r'échapperont pas non plus à M.Clémenceau, considéré jusqu'à présent comme l’adversaire de l’entreprise de Salonique. Les paroles énergiques du nouveau ministre président français : « Vous me demandez mes buts de guerre. Je vous réponds: Mon but est d’être vainqueur » ne laissent en effet aucun doute sur la volonté de la France de poursuivre la guerre jusqu’à la victoire. La victoire ne sera pas cependant possible si le trou des Balkans, au lieu d’être fermé, est élargi encore davantage. MM. Pachitch et Venizelos pourront fournir à Paris et à Londres, les explications nécessaires à ce sujet. Si l’on néglige le front de Salonique on risque non seulement de ne pas gagner la guerre, mais de la perdre. Et la Serbie abandonnée une fois déjà à la ruée simultanée des Germains et de leurs alliés austro-magyaro-bulgares, a le droit de demander que de telles fautes ne se répètent pas. Nous avons confiance dans Lloyd George et nous sommes convaincus que

M. Clémenceau se montrera à la hauteur

de la tâche qui lui incombe. L. M.

Les Polonais et la solidarité slave

Nous reproduisons autre part le compte rendu de la discussion qui a eu lieu au Parlement autichien au sujet du projet germanique de sauver l’Au: triche-Hongrie par un escamotage de la question polonaise, Au moment où les peuples proclament leur droit à l'indépendance, ainsi que leur volonté inébranlable de s'affranchir des chaînes imposées par l'existence des Etats anachroniques tels que l'Autriche, les grands seigneurs de Vienne, Berlin et Budapest, ont l'audace de préparer des combinaisons qui vont à l'encontre de tout droit des peuples. Se proposant de réunir la Pologne russe et la Galicie en un corps politique, qui serait rattaché à la Monarchie austro-hongroise, les Allemands voudraient tuer d’un coup plusieurs mouches. D'abord, on essayerait de recruter les Polonais et de les faire combattre pour le roi de Prusse. Ensuite, on éliminerait le danger de la séparation de la Pologne prussienne du territoire allemand. La fiction d’un Etat polonais serait maintenue, l'Autriche se débarrasserait de la majorité slave, la Hongrie serait contente qu’on lui laisse le pouvoir illimité, dont, elle jouissait jusqu'à présent, sur les Serbes, Croates, Sloyaques et Roumains. Tous gagneraient quelque chose, sauf les Slaves; et encore moins les Polonais. M. Glombinski aurait pu y réfléchir un peu avant d’accepter le patronage d’une fourberie destinée à déjouer les aspirations légitimes des peuples slaves asservis.

Le projet austro-allemand ne devrait pas cependant être pris au sérieux. La question de la Pologne est une question internationale, et la pi yten ‘ion des Austro-Allemands de lui donner immédiatemert une solution germanique, ne nous intéresse qu'autant qu'elle représente une nouvelle manœuvre, : destinée à produire des résultats utiles immédiats. Que certains Polonais se soient laissés entraîner à | jouer le rôle de nègres, c'est hautement regretta- | ble. S'ils avaient suivi le bel exemple du comte Skarbek insistant sur la déclaration de Cracovie, du 28 mai, ile n'auraient pas été exposés aux repro-. ches de manquer de solidarité. Nos frères polonais 4

|

devraient comparer leur situation avec celle des … Serbes, par exemple. Nous et nos frères croates, slovènes et tchèques, résistons à toutes les tentatives et à toutes les offres séductrices austro-allemandes. Les Polonais auront un avenir brillant lorsqu'une fois libérés et unis, ils auront formé avec la Tchéco-Slovaquie et la Yougoslavie une forte barrière slave à la poussée germanique. Mais la solidarité entre eux et les autres peuples slaves est la condition essentielle de notre affranchissement à nous tous. Unis, nous vaincrons l’Autriche, désu- ! nis, nous risquons de rester dans ses mains. C'est cette leçon qui se dégage aussi de l'ensemble des” discussions au Parlement autrichien. ie

au

-ment en session extraordinaire.

nemi peut tenter pour la dernière

ment tous « de l’époque décisive » que tra-

‘ture de la session extraordinaire du Parle-

ment faite immédiatement après la visite du kaïiser, donne le plus à réfléchir. « En

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Genève, Dimanche 25 Novembre 1917

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Suisse....... Gfr. —paran

iles Dimanches

j ! ABONNEMENT } professeur à l'Université de Belgrade

Autres pays. 9fr.— »

La guerre et les. religions

furent également déportés .er. Pulgarie, et à leur place le -couvernement bulgare. «@. nommé des prêtres bulgares. Nous ne voulons pas examiner ici la situation morale de la population serbe à laquelle on veut imposer même les chefs spirituels. Ce qui nous émeut plus particulièrement, c'est le sort de ces braves prêtres serbes qui dépérissent dans les camps bulgares. Nous n'avons aucune nouvelle d'eux. Un seul témoignage authentique et émouvant sur leur situation. Je trouve dans le rapport de la délégation du Comité International de la Croix-Rouge sur le voyage en Bulgarie. À la page 62, nous lisons ces quelques lignes :

.La guerre cetuelle a déchaîné beaucoup (% haines et beoucomn.de passions. maïs la religion a été en général ménagée. Les Allemands, n'ayant pas réussi à provoquer la , guerre sainte“ des Musulmans, se taisent prudemment, et lorsqu'ils parlent de Dieu, c'est à leur Dieu germanique qu'ils font allusion. La question religieuse est pour eux assez compliquée, car chaque allié germanique professe un culte différent. À la Prusse protestante et à l'Allemagne

du Sud catholique, s'ajoutent l'Autriche catholique, la Bulgarie orthodoxe et la Turquie musulmane. Chez les Alliés, on a la même complication, et c'est probablement à cette diversité que la religion doit son respect relatif pendant la guerre. Il n'y a que les Bulgares qui prennent dans cette question une attitude particulière. Eux font la guerre aussi à l'Eglise serbe. C'est d'autant plus étrange que les Bulgares sont orthodoxes comme les Serbes et qu'ils professent absolument le même culte, dans la même langue. Mais la haine qu'ils ont pour tout ce qui est serbe, et la rage avec laquelle ils cherchent à détruire jusqu'aux détails de l'organisme politique serbe, les ont amenés à s'attaquer aussi à l'Eglise.

Aussitôt après l'occupation du territoire serbe, les évêques serbes furent arrêtés et enfermés en Bulgarie. Les prêtres serbes

+

, Nous appelons en outre l'intérêt bienveillant des autorités compétentes sur la situation des prêtres prisonniers ({). Ces ecclésiastiques, dont un grand nombre sont des vieillards, souffrent beaucoup de leur captivité et sont dans un dénuement complet. I[s demandent des secours. Vu leur situation et leur âge qui imposent des égards, peut-être le gou-. vernement bulgare consentira-t-il à les placer dans des conditions meilleures.“

C'est court, c'est dit avec toutes les réserves que le Comité International s'impose, et c'est simplement affreux.

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La situation balkanique

15 octobre, après les solennités de Sofia qui ont rempli d’une joie sincère les chefs du gouvernement et d'opposition, il s’est créé, paraît-il, une atmosphère provisoirement conciliante entre les partis qui apparaissent toujours sur la scène parlementaire animés d’un esprit belliqueux les uns contre les autres. » Et dans le numéro du 20 octobre: « En ce qui concerne par exemple la question de l’alimentation, il est impossible de poursuivre des tendances égoïstes. Il va sans dire que chacun tire la couverture à soi. Néanmoins on ne peut pas aller jusqu’au bout dans cette tendance. La question de l'alimentation en Bulgarie est liée étroitement à celle de nos alliés. Une appréciation unilatérale de ces questions constitue un très grand danger pour les intérêts généraux. À notre avis, tout gouvernèment est impérieusement obligé de ne pas se laisser influencer par la démagogie et le tapage: il doit agir fermement sans se préoccuper du qu’en dira-t-on, étant donné que c’est lui qui sait le mieux ce qui se passe et ce qui se passera.»

Le kaiser ne se serait donc pas dérangé pour fien. Il se dégage nettement des commentaires cités, que sa visite avait un but précis, et qu'en flattant, par sa présence et par ses paroles à la fois, les convoitises des Bulgares et leur mégalomanie, il voulait les

Lors de la récente visite de l’empereur allemand à Sofia, on a lu les commentaires les plus étranges sur le but de ce déplacement impérial. Les uns affirmaient que le kaiser ne se serait dérangé que pour donner un coup d'épaule au souverain bulgare afin de consolider sa position et celle de son premier ministre, position menacée, paraît-il, par la « redoutable » opposition du Sobranié qui commençait à manifester une certaine activité. D’autres prétendaient que c'était surtout pour raffermir le bloc germano-touranien et s'assurer la fidélité d’un allié peu sûr. Le monde politique, très surpris par cette visite inattendue, en saisissait difficilement la signification et la portée. Ce n’est guère que maintenant qu’on en peut discerner avec plus de facilité les véritables motifs.

Ce sont les commentaires de la presse bulgare sur la convocation prochaine du Sobranié en session extraordinaire, qui nous fournissent «des indications précieuses à ce sujet et nous donnent la clef de l'énigme. Voici les raisons qui, selon les journaux de Sofia, nécessitèrent la convocation du Parle-

La « Zaria » du 2 octobre écrit :

« Comme dans tous les Parlements, il est probable que la première question d-rt s’occupera notre Parlement sera celle du vote de certains crédiis militaires. Cet automne, l’en-

gares devront donc à l'avenir se serrer le ventre pour nourrir les sujets du Kaiser avec les vivres qu’on peut encore trouver chez eux. Il faut aussi qu’ils se préparent à livrer des nouveaux combats pour replacer sur le trône de la Grèce le beau-frère récemment déchu de Guillaume IL. De là: cette urgence dans le vote de nouveaux crédits militaires qui nécessita la convocation du Sobranié en session extraordinaire. Et pendant ce temps, dans la presse ententiste, on répand habilement les bruits d’après lesquels l'opposition ne fait que grandir dans le Sobranié bulgare, devenant châque | jour plus menaçante. D’après les mêmes sources, le courant russophile devient chaque jour plus fort dans le pays et le mécontentement gagne jusqu’à l’armée !!!

De même, à la veille .de l'offensive autri-

fois d'attaquer notre front méridional. Il faut donner les moyens nécessaires au maintien de la combativité de notre armée. »

Les autres journaux, comme le «:Préporetz », « Mir » et « Narod », parlent égale-

verse l'Etat bulgare, de l’union politique nécessaire, ainsi que de la Sagesse que la cause sacrée exige. : . Mais c’est surtout « Kambana », journal gouvernemental et germanophile, qui, soulignant avec satisfaction l’heureuse ouver-

effet, écrit ce journal dans le numéro du

exhorter à de nouveaux sacrifices. Les Bul- :