La Serbie

Samedi 2 Février 1918 - Ne

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cesse son énergie pacifiste. Il n’en reste as moins un esprit belliqueux par excelence, à l'âme moyenâgeuse, voulant opposer à une paix démocratique entre les peuples une paix des grands seigneurs. Fort en dialectique il dispose de diverses méthodes en polémique. Il a l'esprit ingénieux, et la somme de mauvaise foi dont il dispose lui donne le droit d’aspirer à la succession du comte d’Aerenthal et de Berchtold. Dans son plaidoyer pour la paix il dialogue souvent avec lui-même et fait passer sous les yeux des lecteurs les situations les plus diverses; des fantômes et des spectres effrayants. Ainsi le premier film qu'il déroule c’est la perspective d’une guerre redoublant de vigueur après la conclusion de la paix séparée avec la Russie, « d’une guerre revêtant la forme d’impitoyable dureté que l’on n’a pas encore vue, même pendant cette guerre déjà assez horrible ». Mais sachant bien que le publie anglais, à qui il a l’air de s'adresser en cette occurrence, n’est pas facile à émouvoir, il continue sa démonstration sur un autre ton. On y trouve des idées extraordinaires, stupéfiantes. Ainsi par exemple, le péril américain contre lequel il met l’Entente en garde. « Admettons, dit-il, que l’Entente réussisse à tenir jusqu’au bout, jusqu’à ce que les Etats-Unis laient sauvée, pareil succès de l'Amérique ne signifie-t-il pas la prépondérance en même temps que la déchéance de l’Europe ? Au point de vue économique Londres n’est plus le centre du monde. Or, si les Etats-Unis sauvent l’Entente par leur intervention militaire, c’est encore eux qui joueront le premier rôle diplomatique. Quelle ne sera pas la force d'attraction de la puissante nation américaine sur le Canada et l'Australie. Que deviendra l'idéal de la plus Grande-Bretagne en face d’un panaméricanisme triomphant ?

Vient ensuite le tour du Japon. « Au côté des Etats-Unis, c’est le Japon qui aurait la part du lion dans une victoire obtenue par la prolongation de la guerre. »

Il n’est pas jusqu’au spectre du bouleversement d'ordre social que le comte Andrassy ne fasse miroiter aux yeux des lecteurs pour démontrer que l’Entente devrait s’'empresser d'accepter les propositions

autrichiennes de paix. Il invite l’Entente à méditer l'exemple de la Russie. Mais c'est précisément ici que l'argument se retourne contre son auteur, Car s’il est un pays qui présente une analogie frappante avec la Russie, c’est bien l’Autriche-Hongrie, où l'organisation sociale et étatique laisse le plus à désirer. Le comte Andrassy le reconnaît lui-même en disant: « Il est cependant indispensable que nous procédions à la réforme de notre vie intérieure tout en restant sur le terrain ferme des bases historiques et de nos intérêts spécifiques. » Après avoir exposé les conditions qu’il croit être acceptables pour l’Entente, Andrassy a parlé aussi de la réforme du Droit des gens. Il prétend que Sur ce terrain il ne sera pas difficile de s'entendre puisque l'initiative du comte Czernin a dépassé sur ce point celle de tous les hommes d'Etats responsables en n'importe quels pays. « Les Alliés d'Occident eux-mêmes ne pourréit pas aller plus loin puisque Czernin a proposé le désarmement général et l'arbitrage obligatoire. Continuer la guerre sous prétexte de vouloir réformer le Droit des gens, n’est pas admissible puisqu'on peut parfaitement l'améliorer par une paix de compromis. M. Lloyd George lui-même est obligé de reconnaître que nous ne répudions plus la réforme du Droit des gens, mais il nous oppose la thèse des «bandits à punir» avant que l’on puisse parler du règne du droit. « Au point de vue diplomatique, répond le comte Andrassy, l'Angleterre agirait sagement si elle renonçait à nous traiter comme on traite les « bandits attrapés ». D’abord parce que nous sommes loin d’être « attrapés », ensuite parce qu’il n'existe pas de jury international assez impartial pour discerner avec certitude où se trouvent les criminels et pour répartir avec justesse les châtiments mérités ». Nous nous permettons de corriger le jugement du comte Andrassy. relatif à l’inexistence d’un jury international. Ce jury, selon nous, existe, et il fonctionne déjà. Ce sont en effet les dix-sept Etats qui se sont ligués contre l'Allemagne et ses alliés dans le but de rétablir le droit violé et de châtier les

coupables. M. D. M.

LE DISCOURS DE STRANSKY SUR L'AUTRICHE ET LA SERBIE

Le député tchèque Stransky a prononcé à la Commission des affaires étrangères un grand discours sur la politique de la Monarchie. Parlant de l'attitude de l'Autriche envers la Serbie, M. Stransky s’est exprimé, d’après un compte rendu publié par la « Neue Freie Presse » du 25 janvier, dans les termes suivants :

« L'orateur considère comme indispensable d'examiner la question de savoir qui est coupable du plus atroce des faits accomplis, quel est celui qui est responsable des atrocités de la guerre. La guerre, en effet, n’est pas quelque chose d’indépendant de la volonté humaine, c’est le résultat d’une faute et non pas d’un hasard. Il faudra donc examiner comment le ministère des affaires étrangères peut excuser la guerre avec la Serbie, guerre qui entraîna la catastrophe mondiale,

« Discutant l'exposé présenté par le ministère des Affaires étrangères, l’orateur relève la prétention vague et imprécise de représenter le résultat des deux guerres balkaniques comme ayant été mûri sous le patronage des puissances de l’Entente, comme si la Monarchie s'était comportée en spectateur paisible et comme si la liquidation de la guerre balkanique n’avait pas eu lieu sous la pression de l’Autriche-Hon-

rie.

« Il rappelle les sentiments austrophiles du roi Milan et son attachement à la maison des Habsbourg et estime qu’une politique intelligente de leur côté aurait pu profiter de cette situation. Au lieu de cela on a obligé le roi à une politique qui devait le rendre impopulaire dans le peuple et conduire à sa chute à la fin. La convention militaire secrète que le roi Milan avait con-

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= FEUILLETON

Notre collaborateur et ami M. Léo d'Orfer nous fait le plaisir de nous offrir la primeur d’une pesma sur le roi Marko, faisant partie d’un recueil La Couronne d'or de la Serbie qu'il se propose de publier au

cours de cette année.

Le Réveil de Marko

Pesma serbe

C'est sut l'Ourvina, la montagne haute,

Qu'un bruit sourd résonne au fond de la grotte

Où le grand héros dort son long sommeil ; Et ce bruit n’est pas le signal des fêtes,

Mais des temps prédits par tous les prophètes :

C'est le grand réveil.

Charatz a brouté tous les brins de mousse ;

Le sabre est sorti de la pierre rousse : Ton heure a sonné, Marko, fils de Roi! D'ennemis vainqueurs, ta patrie est pleine; Partout, sur le mont, le val et la plaine,

lis sèment l’effroi,

Le Turc abhorré, le félon Bulgare,

Le Magyar cruel, l'Allemand barbare

Ont souillé le sol libre et glorieux.

Il ne reste aux tiens qu’un coin de patrie;

Sous la terre, rouge et toute meurtrie, Pleurent les aïeux.

Entends-tu leur voix, leur voix de reproche ? C'est sous l’arbre vert et c'est sous la roche

: Qu'elle se lamente au fond du tombeau. C'est le verbe dur du roi Voukachine, . Et ta mère aussi, la vieille Euphrosine, Appelle Marko, k

Entre les sapins, près de la fontaine, Ta lance de guerre au manche de chêne N'est plus inutile en sept tronçons durs. Saint-Sava les a ressoudés lui-même :

LA SERBE

C'est Douchan le Fort, tailleur d'un empire,

C'est le doux Lazare et c'est le délire

De ceux dont le sang fleurit Kossovo.

Ce sont les haïdouks mis à la torture,

Dont la bouche, encor vaillante, murmure : Où donc est Marko ?

Marko de Prilep, ta ville te somme De la délivrer, elle et le royaume. Ton église attend ta grande slava. Depuis si longtemps la Saint Georges passe, Et point n'apparaît Charratz sur la place, Et tu n’est pas là!

Achève, Ô guerrier, ton immense rêve!

La mer, bleue et profonde sur la grève,

Rejette ta masse aux nœuds de rubis,

La Vila sur les hauts sommets te clame:

Vois les origles noirs et les yeux de flamme De ton faucon gris.

clue avec la Monarchie, l’obligeait à ne pas toucher à la Bosnie-Herzégovine, lui laisgant les mains libres dans le sud de sorte qu’au moins de ce côté-là la nation serbe pouvait chercher à s'affranchir du joug turc.

« Après la chute de Milan, dit le député tchèque, le Dr. Vladan Georgevié a eu à défendre l'indépendance de sa patrie, non seulement contre la défaveur russe, mais encore contre les atteintes grossières de l'Autriche-Hongrie. Cet ami sincère de la Monarchie, qui entretenait les meilleures relations avec le comte Goluchowsky et avec la cour de Vienne, ne laissa jamais de côté le but final de la politique serbe, c’està-dire la réunion de tous les Serbes. L’Autriche-Hongrie n’a pas su acquérir l’amour et l'attachement du peuple serbe en Bosnie et en Dalmatie et elle l’a perdu en Croatie, bien que cependant, dès 1908, l'occupation de la Bosnie et de l'Herzégovine se soit

: transformée en une annexion que le Dr.

Georgevié dans sa brochure Quo vadis Austria? appelle une faute fatale. Les deux guerres balkaniques furent la suite naturelle et inévitable de cela. Mais, en ce qui concerne la liquidation des guerres des Balkans, la Monarchie a employé toute son influence — et cela malheureusement avec succès — pour empêcher la Serbie d’avoir les mains libres dans le sud, d'obtenir un débouché sur la mer. C’est pourquoi celle-ci fut contrainte de conserver à l’est le territoire acheté si cher par tant de sang et pour lequel s’est élevé le conflit et la guerre avec la Bulgarie. C’est sous notre patronage — et non point sous celui de l’Entente, — que fut créé artificiellement au détriment de la Serbie au sud de ce pays un Etat d’opérette qui quelque temps plus tard montra son incapacité d'existence. De cette façon après la guerre balkanique, la Serbie se trouva secouée par une véritable fièvre de haine contre la Monarchie, de là, l'enthousiasme pour une propagande nationale dont le but était la réunion de tous les Serbes en un même Etat. L’attentat de Sarajevo a été incontestablement un grand crime que rien ne pouvait excuser. Mais au lieu de punir celui-ci justement, le comte Berchtold répondit par un acte de vengeance qui constituait un véritable suicide, par lequel il croyait éteindre le feu qui brûlait aux frontières du pays én allumant des parties du monde tout entières. L’ultimatum du 23 juillet n’était pas un ultimatum, mais une déclaration de guerre, car l'acceptation de cet ultimatum aurait équivalu à une capitulation pour la Serbie.

«L'orateur demande depuis quandles représentants étrangers de la Monarchie peuvent se permettre de pousser leur gouvernement à la guerre, depuis quand un ambassadeur pouvait se permettre envers son ministre des mots tels que ceux employés par le baron Güiesl. La propag ande pan-serbe, dans le stade de l’histoire mondiale que nous parcourons,ne saurait être écartée que par larestauration d’un Etat panserbe, serbo-croate, yougoslave et si le comte Czernin ne veut pas mat-

cher sur les brisées du comte d’Aerenthal

et du comte Berchtold, il ne lui reste rien d'autre à faire que de travailler à la réalisajion de cette pensée. »

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Tu reconnaîtras ton arme suprênie

. Qui perce les murs.

Prends ta peau de loup et des bottes blanches; Mets don dolman vert et ceints-toi les hanches ; Ton bonnet de martre est lourd à tes yeux ? Relève-le donc et vois la lumière ;

Rentre dans le monde et suis ta carrière :

Sois victorieux.

20 décembre 1917.

Là-bas, au lointain, l'horizon se frange

De pourpre sanglante et de feux orange.

Des cimes des monts aux bords de la mer,

Les bergers et les bruns laboureurs serbes

Vont se fiancer pour toujours aux herbes : L’effroi remplit l’air.

Mais tes ennemis, déjà pris de crainte,

Sentiront la mort sur leur faces peinte,

Dès qu'ils ouïront ton Charatz hennir.

Car ils savent tous que rien ne délivre

Du héros qui doit à présent revivre Pour les abolir.

Vois-tu ce géant qui, par de grands signes,

Te convie à des batailles insignes ?

C’est George le Noir, vivant comme toi.

I! fut le vainqueur de Michar... Sa race

Règne sur les tiens... Va prendre ta place, Roi, près de ce Roi.

Deux outres de vin! Marko, bois la tienne!

Il faut à Charatz une outre aussi pleine.

Pour lui rendre ses quatre ailes d'antan.

Volez tous les deux où Dieu vous appelle !

Suis ton faucon gris, et bondis en selle, Comme un ouragan.

Où ta lance a lui, se creuse une tombe,

de lourde masse est pareille à la trombe.

D'un guerrier, ton sabre en fait deux, bientôt.

Les glaives, dans l’aube, au loin étincellent

La victoire attend... En selle Marko! | Les Serbes t’appellent !

Les Croates et le mouvement yougoslave en Autriche-Hongrie

Les Tchèques et les Yougoslaves, dans la partie autrichienne de la Monarchie, ont fait leurs réserves de droit, dans leurs déclarations du 30 mai. Plus tard, leurs députés ont proclamé que le programme du 30 mai était un programme minimum et dit ouvertement que leurs questions nationales étaient devenues des questions in: ternationales.

Les Slovaques sont soumis à un régime de terreur difficile à imaginer. Les Roumains sont persécutés par mille procédés tous plus iniques les uns que les autres. Les Serbes sont traités en ennemis de l'Etat et il n’y a pas d'injustice ou de cruauté qui leur soit épargnée. La Bosnie agonise dans la terreur et dans la faim. Reste encore la Croatie qui possède un semblant d'autonomie, un gouvernement et un par-: lement. . \

C'est sur les Croates qu’à l’heure actuelle s’exerce la pression la plus puissante. Le parti coalisé des Croates et des Serbes, victorieux aux élections, se trouve au pouvoir depuis la veille de la guerre. Dès le début de la guerre, il s’efforça de se maintenir au pouvoir afin d’adoucir dans la mesure du possible le sort des populations, auxquelles on semblait avoir déclaré la guerre tout aussi bien qu'aux ennemis extérieurs. Grâce à cette politique de compromis forcé, la coalition serbo-croate put rendre à la cause yougoslave de grands services. Les Magyars veulent maintenant profiter de la situation extérieure pour arriver à. leurs fins. Ils tiennent à ce que le parti de la coalition se prononce contre la déclaration yougoslave du 30 mai.

C'est à la veille de Noël que l’empereur Charles a fait appeler au palais le ban de Croatie, Mihalovié, pour l’engager à faire en sorte que son parti se prononce contre l'unité nationale serbo-croato-slovène. Les journaux de Zagreb donnent certaines indications au sujet de la pression exercée sur la coalition.

La « Hrvatska Dréava » du 2 janvier du parti de Staréevié, écrit à ce sujet :

« Les chefs de la coalition croato-serbe se trouvent depuis quatre jours dans une situation des plus difficiles. Il ne s’agit plus des questions intérieures, ni des relations étatiques, politiques et financières avec la Hongrie. Les délégations vont se réunir prochainement. Le peuple croate demande que ses délégués se prononcent, mais la Hongrie et le comte Czernin le demandent égalemént. On sait ce que la Hongrie et Czernin désirent obtenir de la coalition. Le plus important aujourd’hni, c’est que la coalition croato-serbe ne fasse nulle part aucune déclaration contre les revendications générales du peuple. » |

La « Reichspost » du 11 janvier parle d’une crise intérieure au sein de la coalition croato-serbe :

« Le gouvernement hongrois, dit le journal clérical de Vienne, demande à la coalition que ses représentants fassent une dé- | claration contraire à la politique de la dé- . claration yougosleve. La majorité de la coalition repousse absolument cette « insi- » nuation magyare ». Les conférences qui ont eu lieu ces derniers temps n’ont donné

Léo d'OrFer.