La Serbie

. LA SERBIE Samedi 16 Février 198 — No 7 re eo. A

Le programme du nouveau parti est le suivant: 1) La question \de l’armée magyare indépendante sera résolue après la guerre, mais en tout cas Wekerlé promet que Ja langue des régimenits de la Hongrie sera le magyar, mais seulement pour les soldats et les officiers supérieurs. 2) Au lieu du, territoire douanier indépendant, la Hongrie concluera un compromis de vingt ans avec l'Autriche. B) La concession de la Banque austro-hongroise sera prolongée de vingl années consécutives. 4) La représentation diplomatique restera la même que jusqu'à présent. 5) Les rapports avec l'Allemaägne seront resserrés gt au püint de vue économique, les relations seront « approfondies » (c’est la nouvelle formule, qui West autre que l’union douanière) 6) On réprimera en germe toute entative qui aurait pour but de bouleverser l’ordre actuel de quelque manière que ee soit.

Dans les grandes lignes, ce serait le programme du nouveau parti ‘et du nouveau gouvernement. On remarquera qu'il n'y a rien, absolument rien de thangé en Hongrie, excepté que les idées révolutionnaires et séparalistes de Kossuth, qui naguère ont inspiré le parti de 1848 de lindépendance, ont complètement disparu. Le comle Apponyi, qui dans sa longue vie politique a fait plusieurs volte-face el beaucoup changé de partis, à trahi aujourd’hui ce qu'il y avait encore de rebelle en Hongrie contre l'Autriche. Avec ce programme, la Hongrie s’est liée plus que jamais à l’Autriche et en conséquence avec l'Allemagne et a en même temps approuvé ‘avec plus de vigueur le programme de la Hongrie du XIXe et du XXe siècles, c’est-à-dire faire de la Hongrie hétérogène, peuplée de races différentes, un ÆElat ‘purement magyar, basé sur la force et le pouvoir de la classe féodale, à l'instar de l'Allemagne des « junkers » prussiens.

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Pour l'entente italo-serbe

Le ministre président italien, l'honorable M. Orlando, parlant le 12 février, à la Chambre, des buis de guerre de l'Italie, s'est exprimé sur les rapports yougoslaves de la manière suivante:

« Nous proclamons ici devant le Parlement italien que personne au monde ne peut considérer avec une plus grande sympathie que nous les aspirations des idifiérentes nationalités qui gémissent encore sous l'oppression des races domimatrices. Si fleur cause rencontre de vives sympathies et un intérêt mérité auprès de l'opinion publique de tous les pays libres et civilisés, ces nationalités lrouvent en, Italie, à cause de notre communauté historique de douleur et d’éspérance} des sympathies non moins fervenies et solidaires. En Italie, le sentiment de la justice s'est ajouté au souvenir toujours cuisant de ce que nos frères cmt encore à souffrir.

Ii est dans l'intérêt commun, peut-être décisif, que soit idissipée l'inexplicable et douloureusa équivoque qui peut se former sur nos buts de guerre; nous Îles avons encore une fois, pour mous et pour tout le monde, clairement et loyalement exprimés, monirant l'idée qui les déterminail et comme visant exclusivement à assurer l'intégrité nalionale icontre la menace séculaire et implacable des Etals ennemis.»

Nous enregistrons deux contributions nouvelles en faveur d'une entente italo-serbe. M. Andrya Radovitch, président Hu Comité Monténégrin, a fait au correspondant de l'«Epocas des déclarations nettes à ce sujet et M. Nikolas Stoyanovitch membre du Comité Yougoslave a publié dans le « Genevois» du 12 février, un article très suggesth sur le même sujet. Nous regrettons que le manque de place nous empêche de reproduire ces opinions yougoslaves, toutes deux très favorables à l'entente avec l'Ttalie.

La déclaration de Corfou

PAR MICHEL POUPINE

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Ce n’est pas par la plume, mais bien par les armes, que sera créé l'Etat Yougoslave ou le Royaume des Serbes, Croales et Slovènes dont parle la Déclaration de Corfou. Les armes serbes se sont acquittées de leur devoir en éblouissant le monde entier de leurs glorieuses victoires. Tout le monde connaît et glorifie les admirables victoires de Tsèr, de Roudnik, de Kaïimaktchalan, sans parler de celles de Koumanovo, de Monastir et d'Andrinople. Le Français, l'Anglais et l'Américain se rendent parfaitement compte de la portée de ces victoires; mais ils se rendent aussi comple dun fait glorieux auquel lout le monde rend honneur, et ce fait est de suivant :

En 1915, lorsque les armées serbes: reposaient de leurs magnifiques -vicloirés, l'Autriche et l'Allemagne offrirent à la Serbie la paix à des conditions exceptionnellement favorables. La Serbie l'avait fièrement repoussée, démontrant ainsi que les Serbes ne sont pas seulement des vaillants soldats, mais aussi de fidèles alliés. Les alliés de la Serbie savent bien qu'ils peuvent aujourd’hui compter sur la fidélité, aussi bien que sur l'héroïsme, de la Serbie. Ces deux qualités de la Serbie ont eu pour effet que les Aïlliés identifient aujourd’hui leurs propres désirs avec ceux de la Serbie et que la question yougoslave, qui, depuis des siècles, passa de Raguse par Agram à Belgrade pour arriver aujourd'hui à Paris, à Londres et à Washington, où elle est comprise comme l'avait conçue Raguse et comme l'avait précisée la Déclaration de Corfou avec le consentement du gouvernement serbe.

Malgré toute sa fidélité, malgré tout son héroïsme, la Serbie est quand même écrasée et de son armée qui avait jadis défendu si héroïquement le Danube, la Save, le Vardar, la Morava, il me reste qu'une poignée de braves qui défendent Monastir et qui attendent le moment de reconquérir, avec leurs alliés du front macédonien, leur glorieuse patrie. Quand cette brave troupe rentrera avec ses alliés dans ses foyers, alors sera venu le moment de créer de Royaume des Serbes, Croates et Slovènés. Cette petite- armée créera l'Etat voug® slave, non pas par les victoires qu’elle va remporter encore, mais bien par celles déjà gagnées. L'Etat yougoslave sera 1a récompense des faits d'armes de l’armée serbe el de la fidélité de la Serbie. Cet Etat sera créé non seulement parce que nous autres Serbes, Croates et Slovènes le voulons, ni parce que mos aspirations sont légitimes, mais aussi parce que les Alliés le veulent, car cet Etat yougoslave aura une importance mondiale. Son but est d’être le rempart contre la pénétration allemande vers l'Orient. Ge fait fut surtout souligné par le président Wilson lorsque, dans un récent discours, il disait que Îe point capital de la paix n’est ni la Belgique, ni la France du Nord, ni l’Alsace-Lorraine, dont les Allemands daignent si complaisamment parler, mais bien la question des Balkans, que les Allemands évitent si soigneusement. Si l’on laissait Les Bal-

kans entre les mains des Allemands, même au prix de tout le reste, cela signifierait que les Allemands ont atteint le but qu'ils se sont assigné au moment de déclancher la guerre. Voilà ce que pense Je président Wilson. Même les Américains comprennent que la question yougoslave est une des plus importantes et que la guerre ne pourra être considérée comme favorablement terminée si la question yougoslave n’est pas résolue favorablement pour les Yougoslaves. Elle sera résolue en ce sens quand on créera un Etat yougoslave, en mesure d'arrêter avec succès la pénétration teutonne en Orient.

L'action yougoslave et la Bulgarie

Le mouvement national des Yougoslaves de la monarchie provoque une lutte acharnée entre eux et les Allemands et Magyars. Les Allemands se rendent comple qu'il sägil mon pas des revendications yougoslaves dans le Cadre dé la monatchie, mais de quelque chose de beaucoup plus vaste, c’est-à-dire de union des Serbes ,;des Croates et des Slovènes autour de la Serbie en un Etat indépendant souverain, en dehors de la Monarchie et contre elle.

« La polilique exposée hier dans les délégations, dit la « Reichspost » du 26 janvier, a montré ce qu'il y avait dans le cœur de beaucoup de politiciens. Il en est de même du Dr Korosec qui s'efforce de transformer les traditions autrichiennes de son parti en un néo-slavisme balkanique. Korosec a dit que l’ancien programme annexionisie bulgare persiste encore dans toute son évidence et qu'il constitue un danger pour la paix. À première vue, il n'est pas facile de comprendre comment un homme politique, ayant la prétention de porter le drapeau du yougoslavisme, puisse s'opposer à ce qu’un brave peuple yougoslave voit ses frontières agrandies.

Par son alliance, le peuple bulgare a contribué essentiellement à ce que J Autriche, assaillie de tous côtés, ait pu tenir; il a contribué, donc, à ce que ies bersaoheri ne se trouvent plus dans la patrie de M. Korosec, Il serait par suite très compréhensible que la politique yougoslave en soit reconnaissante à un peuple apparenté, tel que le peuple bulgare. Cependant l’extension de la Bulgarie est une épine dans l'œil des Serbes, non seulement parce que la Bulgarie prend la Ma-

cédoine à la Grande Serbie rêvée et qu’elle :

demande pour elle toute la rive droite de la Morava, mais aussi parce que, par cet agrandissement, la Bulgarie oblient la première place dans les Balkans. On pourrait se demander en quoi les Slovènes autrichiens sont alteints par cette envie el cette haine des Serbes contre les Bulgares? C'est là le point essentiel de cette peau yougoslave, faite aujourd'hui par Korosec et consorts; ce est pas une politique yougoslave, mais une politique serbe qu'ils poursuivent et cette politique subordonne partout les intérêts des tribus yougoslaves aux intérêts du serbisme. Une fois déjà, pendant les guerres balkaniques, les Slovènes se sont inouvés dans le courant serbe et ont pris position contre les Bulgares.

Le député Korosec conduit de nouveau la politique slovène et croate à une ancienne erreur. Les Yougoslaves de la Monarchie austro-hongroïse se mettent au service des intérêts de la politique de Belgrade. »

Les problèmes de l'après-guerre

Notre ami et collaborateur, M. Fernand Gineste, nous écrit de Paris: ‘

Quand se produisent sur le front ces ae. calmies : tragiques pendant lesquelles on ramasse ses forces pour bondir de nouveau, les représentants de la Presse se mêlent plus intimement aux discussions mécessaires qui doivent précéder j’organisation de l'après-guerre.

Les revendications légitimes des peuples opprimés, l’angoissant problème des nationalités saisissent et assaillent tous ceux qui gardent un peu de liberté sous l’emprise des -préoceupalions mililaires.

Et il est si facile, dans ce choc universel des Etats et des peuples de s’adonner aux pires erreurs par suite de la méconnaissance des aspirations essentielles et souvent contradictoires des intéressés!

Aussi ne multipliera-t-on jamais assez toutes les occasions d'entrer en contact

avéc ceux iqui ont vécu leurs drames natio-

maux et qui apportent de précieux témoignages bien différents certes, des agréables récits académiques édifiés jadis avec trop de crédulité où des conitre-vérités historiques perfidement entretenues par les apôtres de ia Kultur.

Les élus ‘de ‘tous les Parlements se sont rencontrés et poursuivent la fay de ce particularisme qui a douloureusement affecté plus d’une phase de la lutte.

Des hommes de toutes les nations en armes, de toutes celkes qui sont indépendantes, de ltoutes celles qui frémissent sous le joug, s'adressent chaque jour aux foules pour les associer à leur campagne patrtotique; mais que de pénombre encore, que d'idées préconçues, même parmi ceux qu n'avaient pas l'indispensable besoin de recourir à un Atlas pour situer chacun des peuples dont on évoquait le passé et Le présent en vue de mieux expliquer son avenir!

Et comme lous les yeux qu’une volon{aire cécité n'obscurcit point sont tournés vens les Balkans; comme toucher aux questions balkaniques, c’est prendre corps à corps la question islave et affronter l'étude de tous les problèmes soulevés par la reconslitution d’une Bohême et d’une Pologne indépendantes, par la création d’une Yougoslavie à jamais affranchie, il était naturel qu'il se fondât un centre d'échange où des membres éminents des diverses natioualilés en cause fussent appelés à exposer librement leurs idéals, à se pénétrer réciproquement et à se mieux estimer.

est M. E. Denis, professeur à la Sorbonne qui a.réalisé ce programme avec le concours de M. Boyer et d'autres, cest M. Franklin-Bouillon qui a ouvert les salons du Comité interparlementaire aux réunions franco-slaves.

! Au cours des précédentes réunions, M. le Dr Ante Trumbic âvait exposé les principes de l'union des Slovènes, des Croates, et des Serbes, tandis que M. Radovitch, l’ancien président du Conseil du Monténégro, était fait l'écho des aspirations serbomonténégrines. Dans ces conférences disloquées, toutes les convictions peuvent se faire jour, toutes les questions peuvent être posées, des illusions dangereuses peuvent être dissipées, certaines intransigearnces adoucies, bien des vues élargies, el si les sentiments divergent quelquefois, si l’on se sépare courtoisement en conservant des opinions qui diffèrent, il est du moins une pensée commune qui unit tous les cœurs, c'est qu'il west qu'un but de guerre: la Victoire. ‘

Fernand Ginesre.

FEUILLETON

Bilan BOVOVITHOE

A la fin de Novembre 1917, au moment où les bolchevikis étaient aux prises avec les forces du gouvernement provisoire à Moscou, a succombé dans cette capitale de la Russie, qui était aussi sa seconde patrie, Milan Boyovitch, éminent publiciste et journaliste serbe et russe. Les sanglantes épreuves du moment empêchèrent qu'on pût lui donner les soins nécessaires à temps et il a dû succomber en pleine vigueur, ayant à peine atteint sa quarante-septième année.

Notre regretté compatriote était né en 1871, dans la petite ville de Rachka, en Serbie, sur la frontière turque. Il passa ses années d'enfance à Ivanitza, où il fit ses études primaires; puis, il poursuivit ses études au Collège Réal de Belgrade. Avec l'aide du Métropolite Serbe, Michel, et pour obéir aux désirs de ses parents, il devait se destiner aux fonctions ecclésiastiques, et à cette fin il suivit des études spéciales au Séminaire de Kiew. I] avait l'intention de les poursuivre encore à l'Académie ecclésiastique de Kazan.

Mais les sentiments, que Boyovitch nourrissait pour sa seconde patrie, le poussèrent vers Moscou, qu'il considérait comme le cœur de la mère aimée des peuples slaves, la Russie. Selon ses vœux ardents, il entra donc à la Faculté de Droit de Moscou, tout en remplissant les fonctions de secrétaire du Consulat serbe. Protégé et encouragé par le remarquable avocat et publiciste moscovite Plevako, Milan Boyovitch, à la fin de 1894, fit partie du groupe des gens de lettres et journalistes, qui créèrent le grand organe quotidien de Moscou, le « Rousskoïé

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Slovo ». Il y rédigea, dans! les débuts, la partie de politique étrangère. Quand le journal fut acheté par la grande maison d'éditions I. D. Sytine, son directeur confia au jeune serbe, dont il appréciait le talent, la rédaction en chef de l'hebdomadaire littéraire illustré, « Iskry », qu'il rédigea activement jusqu'à la fin de ses jours avec un soin admirable, ce qui lui gagna [a faveur durable de ses lecteurs et la considération reconnaissante des éditeurs, comme de tous les collaborateurs, qu'il sut grouper autour de lui, avec cette faculté spéciale d'organisation, qui n'était pas la moindre de ses qualités.

Pendant les sessions de la Douma Russe il créa, à l'imitation de l'édition française, un annuaire biographique des députés russes intitulé : « Nos députés » et l'un des projets qu'il caressait était de créer un même annuaire des députés de la future constituante. Bien que vivant en Russie et travaillant dans la presse russe, Boyovitch n'oublia jamais la Serbie et il collabora aux journaux ( Velika' Serbia », « Politika » et autres. Il jouissait dans sa patrie d'une grande estime, comme l'indique la proposition, qui lui fut faite de se faire candider et élire à la Skoupchtina. Maintes fois le Roi Pierre et le Roi Nicolas de Monténégro voulurent lui décerner des récompenses honorifiques pour les grands services, qu'il ne cessait de rendre à sa patrié, mais il les refusa toujours. Aimé et vénéré par ses compatriotes de la Colonie serbe de Moscou, Milan Boyovitch appartenait à toutes les organisations et sociétés serbes de cette ville ; en particulier, il était président de la société « Yougoslavia » et membre du comité de la société académique «Nevesinié ». L

Pendant cette guerre et dès les débuts de l'immense catastrophe mondiale, Boyovitch se fit le défenseur ardent de la cause serbe en Russie et en 1915, il ne put rester plus long-

d'où il dut accompagner l'armée serbe dans sa fameuse retraite. Il connut ainsi directement toutes les tristesses et les horreurs de la guerre. Îl revint à Moscou, fort déprimé, mais nullement abattu, et confiant, malgré tout, dans le triomphe final de la cause de sa patrie. Il se remit au travail avec plus d’acharnement encore. Ces temps derniers, pendant la révolution russe, son cœur de patriote frémissait avec une égale inquiétude devant les malheurs des deux pays, auxquels il voua sa vie d'humble travailleur de la plume, «la petite Serbie » et «la grande Russie» associées en un. but commun: la réalisation de la « Grande Serbie ». Voilà comment un de ses confrères caractérise son dernier travail et son état d'âme, dans les colonnes du « Rousskoïé Slovo », qui consacra une série d'articles au cher disparu, sous la signature de A. Youjine, prince Soumbatoff, le grand artiste dramatique russe, du rédacteur politique Pono-

mareff, ainsi que d'autres rédacteurs du même quotidien, et de l'hebdomadaire « Iskry ».

L'inhumation de Milan Boyovitch eut lieu au cimetière Wagankowsky près de Moscou, et réunit toute la grande colonie serbe et yougoslave, ainsi que le monde de lettres et de la presse de la ville. Naturellement venait en tête, au grand complet la rédaction du « Rousskoïë-Slovo ». |

Ajoutons qu'à Belgrade, la villa de Milan Boyovitch, où habit Psrat Bielokamiennaïa », en souvenir de Moscou, et AE UE ses Vieux parents, fut complètement détruite pen” f NVasion autrichienne ; les deux malheureux vieillards urent privés de leur propre gîte.

Ainsi, à Milan Boyovitch, le sort n'avait pas voulu épargner même cette douleur encore.

N.

temps témoin lointain des événements, qui se déroulaient dans|:

son pays natal ; il entreprit un voyage en Serbie jusqu'à Niche, |