La Serbie

RÉDACTION et ADMINISTRATION .@, rue du XXXI Décembre - Genève Téiéphone 14.05

La semaine qui commence, c'est la semaine _ de l'ultimatum autrichien à la Serbie. Le 23 juillet 1914 marquera la l'histoire du monde. C'est ce jour-là que j'Autriche-Hongrie, agissant de concert avec l'Allemagne, s'attaqua à l'indépendance et à la liberté d'un petit peuple dont la seule faute était de se trouver sur le chemin que l’Allemagne avait choisi pour conquérir l'Orient. Le prétexte de Sarajevo — nous €P parlons ailleurs — devait couvrir la préméditation austrogermanique, préméditation, flétie même par quelques Allemands éclairés. Aujourd'hui, la Serbie n'a plus besoin de se défendre des calomnies lancées par la presse de Vienne et Budapest. C'est elle qui se dresse en accusatice maintenant, c'est elle qui demande à l'aéropage international de faire justice et de la faire intégralement. Le Royaume serbe était la seule barrière à la poussée germanique vers l'Orient. Les Serbes n'ont pas voulu se soumettre et dans une lutte inégale, remplie de plus beaux exploits d'un héroïsme sans pareil, le ont dû succomber, perdant tout sauf l'honneur. Ce n'est pas seulement leur patrie qu'ils défendaient, c’est pour la liberté de leurs frères de race qu'ils sont partis en guerre, ces admirables soldats serbes. Au moment le plus critique de son existence, la Serbie pensait tout d'abord à ses frères serbes, croates et slovènes -irrédimés: Dans l'appel lancé par le Prince-Régent “Alexandre à l’armée serbe, le 4 août 1914, la lutté inégale avec Îa puissante Autriche-Hongrie avait été inaugurée dans le symbole de la délivrance et de l'union de tout le monde yougoslave. « Mes héros, disait le Prince-Régent, dans sa proclamation, le plus grand ennemi juré de notre Etat et de notre peuple, s'est attaqué _ furieusement, à l'improviste et sans aucun motif, à notre honneur et à notre vie. L’Autriche, : notre voisine du nord insatiable, a amasse ses armées sur notre frontière et à déjà tenté de franchir la frontière du nord pour asservir notre belle Patrie. 11 ne lui suffisait pas de nous avoir vu pendant des années souffrir aux gémissements désespérés des millions de nos frères qui nous arrivaient de Bosnie-Herzégovine, de Banat et Batchka, de Croatie, de Slavonie, de Syrmie, du littoral et de notre rocheuse Dalmatie. L'Autriche exige maintenant de nous un sacrifice suprême : elle veut la vie, l'indépendance’ et l'honneur de la Serbie même.

« Après nos brillants faits d'armée de 1912 et 1913 qui nous ont valu les acquisitions reconnues par l'Europe entière à la paix de Bucarest, je désirais le plus sincèrement que le pays et mes guerriers vaillants se reposassent des grands efforts de guerre, en jouissant. des, fruits de leur victoire. C'est pourquoi la Serbie fut prête à s'expliquer et s'entendre à l'amiable avec l'Autriche-Hongrie dans toutes les questions litigieuses. Malheureusement, 0n n'a pas tardé à reconnaître les vraies visées de l'Autriche qui se refusait à traiter avec noué, même si nous avions donné satisfaction à toutes $es exigences. Elle était décidée à nous attaquer, à nous humilier et à nous assassiner. Quoique encore fatigués des récentes victoires, je vous convie de vous rassembler sous n0$ drapeaux victorieux et de former un rempart solide pour la défense de la Patrie. Aux armes, mes glorieux faucons ! À la bataille pour la liberté et l'indépendance du peuple serbe el du yougoslavisme | ».

Cette volonté fut confirmée par un acte du gouvernement et du parlement: Après la débäcle autrichienne, en hiver 1914, le gouverne-

JOURNAL POLITIQ

A la veille de la cinquième année

date sinistre dans]

mes sacrées immolées héroïquement et volon-

Prix du Numéro

a%} n.

: 10 Centimes

Paraissant tous les Samedis

Rédacteur en

ment serbe, fit, Représentation nationale, la vante :

le 7 décembre, devant la déclaration sui-

« Le gouvernement, convaincu de jouir de la confiance du Parlement aussi longtemps qu'il met ses efforts au service de la grande cause de l'Etat serbe et de la race serbo-croate et slovène, croit de son premier devoir de s'incliner avec un respect immense devant les victitairement à l'hôtel de la Patrie. |

« Le gouvernement du Royaume, sur de la ferme volonté du peuple serbe entier de persévérer jusqu’à la fin de la lutte pour la défense de son foyer et de sa liberté, considère comme son devoir principal et unique dans ces moments critiques d'assurer une issue favorable à cette guerre qui est devenue, dès qu'elle a éte déclanchée, la lutte pour la délivrance et pour l'unité de tous nos frères non-délivrés Serbes, Croates et Slovènes.

«Le gouvernement s'efforcera de rester fidèle à cette décision nationale et il attendra avec la confiance dans l'avénir, en compagnie de ses puissants et héroïques alliés, l'heure de la victoire ».

Hoc signo vinces. Le drapeau yougoslave porté par les baïonnettes serbes a servi en outre la cause de l'Europe démocratique. La Serbie combat pour la victoire du Droit et de la Justice, la victoire de ces grands principes. sur le militarisme et l'hégemonie germaniques donnera l’occasion à l'Europe de s'acquitter de sa dette envers la Serbie en l'aidant à accomplir d'un côté sa mission yougoslave et de l'autre sa tâche de gardienne démocratique de la porteides Balkans. C'est avec cette foi et animés d'une volonté inébranlable de tenir jusqu’au bout que tous les Serbes, sans exception, entrent dans la cinquième année de guerre.

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Les Serbes et le 14 Juillet

La flète du 14 Juillét a été célébrée avec un, enthousiasme particulier dans la colonie serbe et yougoslave de Corfou. L'anniversaire de la prise de la Bastille fut toujours une fête. populaire dans la Serbie démocratique, mais, cette année, tout le monde ÿ a vu J'occasion de renà la France dont les soldats, par eur bravoure, viennent de conjurer le plus grand danger qui ait Jamais pesé sur la liberté du monde. Le malin, M. Pachitch, les membres du gouvernement €t les membres de la Scoupassistèrent à la revue des troupes, qui furent acclamées par une foule nombreuse. Une réceplion, eu lieu entsuite chez le Ministre de France, à qui M. Paghitch. présenta les félietations du gouvernement et du peuple serbes, dont” l'attitide démontre combien test: irrévocablé las décision. de ‘la Serbie. de combatire Th Victoire, avec la France ‘et alliés

Le Journat Officiel publie un article Tappetant l'influence de la prise de Ia Bastille sur la Révolution française, qui devint un flame beau dont la lamière éclaira tous les peuples du monde accessibles à la liberté et aux $sentiments démocratiques. Dans Ja guerre actuelle, on vit se ranger aux côtés de la France les &té libres. chez eux, sont restés ‘des harbares. versaire se trouvent Ceux qui, n'ayant jamais été libre chez eux, sont restés des barbares. malgré toutes les apparences: Dans cette lutte gigantesque, li France a tenu la place d'honneur. Le peuple serbe à reçu d'elle des témoignages d'amitié ineffacables et il saura x son tour témoigner Sa gratitude au peuple français qui à toujours combattu, non seulement pour sa propre liberté, mais aussi pour celle des autres peuples. Lorsque le jour de la victoire de la civilisation aura sonné le peuple serbe verra sa liberté restaurée ct son union accomplie. Les Serbes saluent de tout cœur là fête mationale de la France, leur. allite-et leur bienfaitrice.

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Iusqu'à a : ouvrière, qui oppose

pourrait la ruiner, si

chef : Dr Lazare MAaRCOVITCH, professeur à l'Université de Belgrade

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Genève, Samedi 20 Juillet 1918

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Suisse......… Gfr. — par an % L

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Autres pays. Ofr.— »

Le ue Rurianiel les dilettantes alliés

Le comte Burian a fait l’autre jour des com-

munications obscures sur da limite des proposi- |

tions de paix des Empires centraux. Les uns interprètent en effet ces déclarations en ce sens

Burian avec plus d'esprit critique,

sions aüstro-allemandes, qu'une

grossière tendant à faire mt

gens de loisir le soir

douteuse, et qui a trait à l'intégrité de la Mo-

le principe de sa conservation ; les peuples

opprimés affirment au contraire,

Messieurs,

Les amis suisses à qui Vous avez fait l'honneur de les convier pour cette commétoration nationale, préféreraient ressentir en silence l'émotion de votre fierté, de vos douleurs et devos espoirs. Des mots sauraient-ils égaler ces choses ? En regard des actions héroïques de votre peuple, de vos soldats et de leurs chefs, depuis six et sept années, l’âme de témoins impuissants hésite à prononcer 50n admiration et sa reconnaissance. Et partout, si les paroles insincères se dissipent au premier souffle qui passe, pour se perdre dans’ le vide de l'espace et du temps, l'affirmation loyale d'une foi inébranlable dans la justice et dans le triomphe des libertés opprimées, peut devenir à son tour une réalité souveraine,. féconde en action, en forces inépuisables. Agréez done, Messieurs, le témoiwnage de respect votre vieux roi, à l'anniversaire de sa naissance, accueillez avec bienveillance le message de ces amis qui voudraient, par leur confiance et leur affection, réchauffer, retremper, décupler votre courage.

Dans l'éclat de cette journée d'été, sous les apparences d'ordre et de paix de notre

vie publique, nous souffrons cependant,

matériellement et moralement. Matériellement, vous le savez, par la gène croissante que la guerre mondiale impose à notre existence économique. Moralement, par une inquiétude qui remue notre population les campagnes et les villes et qui vient de paraître dans des troubles sociaux, peu graves encore, mais annonciateurs peut-être de désordres que tous les citoyens doivent prévoir et prévenir. Avant de juger le monde au nom d’une expérience politique qui s’est trouvée inférieure à la nécessité et chancelante sous l'épreuve, avant de juger le monde, comme le disait tout à l'heure si généreusement M. le ministre Marincovitch, la Suisse doit se juger elle-même. C'est la condition de son salut. La paix même dont elle jouit elle n’assurait pas à nouveau, dans un consentement réfléchi, volontaire et unanime, capable de tous les

sacrifices, les principes fondamentaux de

son évolution et de sa constitution démo-

1 Discours prononcé à (Petrov Dan, le 29 juin

| (18 juillet) au diner de la colonie serbe.

Trieste, mais pas au-delà ; les autres, plus avisés, jugent les avances pacifiques du comte et ne voient dans l'obscurité dont le comte Burian a su envelopper sa thèse de l'intangibilité des possesmar œuvre roiter au-devant des soldats alliés, l’image fallacieuse d'une prétendue disposition des Empires centraux à se dessaisir des biens d'autrui. Nous laissons aux de. rechercher le véritable sens des paroles mystérieuses du ministre ausirohongrois, et nous nous arréterens plutôt à l’au-' tre partie de son discours, partie nullement

narchie. Le comte Burian nous assure que la Monarchie des Habsbourg, porte en elle-même

que c’est le germe de dissolution qui vit dans l'organisme

dore de rghasion qui vi AUX SERBES ET A LA SERBIE

par Bernard BOUVIER, professeur à l'Université !

qe les puissances centrales iraient jusqu'à la. rétrocession de l'A lsace-Lorraine. de Trente et

que nous apportons à

| de l'Autriche-Hongrie. Laquelle de ces deux

thèses Pemportera, on ne tardera pas à le voir. En quoi nous ne donnons pas tout-à-fait tort au comte Burian, c'est à sa façon de erttiquer les conceptions alliées touchant l'Au triche-Hongrie.

M. Burian reproche auæ Alliés d'être venus je

trop tard s'occuper de l'Empire des Habsbourg. Soit, mais il y a un proverbe qui dit: mieux vaut tard que jamais. Il trouve en outre que les hommes d'Etat de l'Entente traitent en général les problèmes de l'Aut riche-Hongrie d'une façon « superficielle ou dilettante ». M. le comte Burian a parfaitement raison lorsqu'il fait allusion à ces austrophiles incorrigibles qui

l-esfiment toujours que Conserver l’A utriche-

Hongrie serait dans l'intérêt de l'Europe. Leur dilettantisme valait vraiment la peine d’être mentionné par le ministre responsable de la Monarchie. S'il pense cependant à ceux qui veulent soutenir la lutte des peuples pour la liberté, sa critique est tout-à-fait inefficace parce que les représentants les plus autorisée des peuples opprimés lui auraient crié au visage la fausseté de ses assertions, s'il avait eu le courage de paraître devant le Parlement avec de telles « bourdes ».

cratique. Mais nous souffrons surtout de l'immense souffrance humaine, du bouleversement, par les entreprises de la ruse et sous les coups de la force brutale, de tout ce qui fait le prix de la vie, pour les nations comme pour les individus, honneur, foi jurée, pensée libre, indépendance, langue maternelle, droit au travail et au repos, liberté du corps et de l’âme.

A cette heure, c’est sur vous, amis serbes, sur votre tragique destinée, sur le martyre sanglant de votre patrie, que se concentrent notre tendresse et notre douleur. Mais une grande joie nous est accordée, qui nous permet de fêter cependant l'anniversaire qui vous réunit solennellement ; nous pouvons, à Vous que l'exil a

cruellement dépouillés, à vous dont tous :

les liens de famille ont été déchirés, à vous qui ignorez même le plus souvent le sort de ceux qui vous sont les plus chers, nous pouvons, en ces heures d'angoisse, ouvrir un foyer ! Oui, c’est une joie profonde pour mon pays que de vous cfifrir une terre fraternelle de patience et de sécurité.

Je ne dis pas que nous sachions vraiment mesurer votre deuil. Chaque matin et chaque soir, vous tendez vainement tous vos sens pour ressaisir, quelque chose de la patrie perdue. Vous n’entendez plus les cloches de vos villages, ni les complaintes de vos chanteurs ; vous n’apercevez plus les tombes de.vos morts, ni le toit de vos ancêtres ; et même votre regard. se laïse à

Een cg , / * ET chercher, au-délà des horizons embrumés

et ravagés par les batailles, la flamme vacillante du foyer familial! «Ma bonne mère, que fais tu à cette heure 9 Es-tu à l'abri de la faim et du froid ? Quand tisserastu de la laine de nos brebis, les vêtements de tes petits-fils pour le jour des Rameaux ?». Ainsi soupire votre conteur populaire, Zivoin Datchitch, l'un de nos hôtes proscrits! Le chant serait-il plus révélateur que la parole? La poésie plus féconde que la raison? La légende plus vraie que l’histoire 2... Dans la forte et, silencieuse vertu de Stoïan, l’un des héros des contes de Datchitch, le chef de la famille Stoïan, qui a vu mourir dans les trois guerres ses trois fils, puis ses deux petits fils, et qui, retenant ses larmes, prononce ces simples paroles : « Ils sont tombés pour la liberté et la gloire de notre patrie et pour lé bonheur de notre peuple.

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