La Serbie

No 8

Lundi 24 Février 1919

LA SERBIE

Betchkérek, Kikinda, Vrchalz et Temiesvar. Quant au raisonnement roumain relatif aux devoirs serbes de réciprocité, — c'est-

à-dire qu’en échange des Roumaÿns épar-

illés sur les montagnes entre le Timok et le. Danube, la Serbie devrait sacrifier je nombre deux fois plus grand de iSerbies du Banat, qui représentent une force de contribution dix fois plus grandes — c’est 1à tout à fait du tact bulgare. Lors de Ua révolution de Karagjorgie, la vallée du Timok fut libérée des Turcs par le thaïdouk Veliko, le héros de Nédotine, ét c’est par le p'ébiscite Le plus probant, celui du sang versé pour la cause commiune, qu’elle s'est méunie à la Serbie. En signant le traité de 1913, la Roumanie a reconnu l'intégrité de la Serbie. Si la Roumanie n’a déjà pas le droit de prendre la Bessarabie à la Russie, alliée vaincue, elle-même ayant conclu june paix séparée avec les Centraux, elle Ya moins endore avec une alliée victosieuse. Un pareil langage serait accueilli par tout Serbe comme un ombrage à l’honneur serbe et à cette hospitalité dont ont jait preuve si longtemps nas paysans ser_ pes envers les paysans roumains qui se sont sauvés devant la cruelle exploitation de leurs boyards.

La plaine du Banat est une terre serbe, et ce qui a donné des aïles à la marchke fantastique des armées serbes après leur victoire sur les Bulgares, Cest aue Îles Sérbes n'avaient pas Belgrade comme but, mais Vrchatz et Temesvar. Et cest à cette marche victorieuse que la Roumanie aoït Yannulation de sa triste paix séparée. Elle devrait donc avoir honte de ses prétentions sur la plaine du Banat et les mettre! au panier au plus tôt.

Milovan Grba, docteur en philesophie.

La misère en Serbie

On mande de

Balkans:

La délégalion de médecins alliés qui s'est rendue en Serbie avec mission d'y organiser le service médical, est dé relour à Zagreb. Elle rapporte de tristes njouvelles, L’ennemi, qui, avant sa fuite, a pillé le domaine public et les biens privés, n'a pas hésité à ruiner également tous les hôpitaux, Il n’y reste plus un lit, plus une couverbure, plus un oreiller, La grippe espagnole sévit dans cette population tant éprouvée par la guerre; des centaines let des milliers de personnes tomblent.-Il- {Rest impossible de se procurer à l'heure actuelle les médicaments, les instruments m'é. dicaux.

Dans toute la ville de Belgrade, il lest impossible d'installer le plus miodeste hôpital. Tout manque, l'ennemi ayant littévalement tout emporté. Les malades de la Serbie méridionale se rendent, dans la mesure du possible, à Salonique. Mais Salonique est loin, et tout transport est rendu impossible par le fait qüe la ligne de chemin de fer test complètement détruite,

Zagreb à l'Agence des

A NOS LECTEURS

Avec le présent numéro nos lecteurs recevront graluitement la table des matières pour l'année 1918, soit du numéro | au numéro 49 inclus.

LA RÉDACTION

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© QUESTIONS ÉCONOMIQUES ET FINANCIÈRES Un avertissement aux Alliés

. On doit s'attendre à une recrudescence inouie de lactivité alléemanide. La pénéiration éconjgmique de PAllemagne, si forte et si impétueuse avant la guerre, redoublera certainement après une guerre perdue, et recourra non mjoins certainement à des moyens encore plus insidieux que ceux que noûs connaissions déjà. En eîtet, au cours de celte guerre, les Alliés onf eu le loisir d'étudier les méthodes de la génétrallion dljemande. Toutes Les recherches à ce sujet ont établi que la meniace économique de l'Allemagne était égale à sa menace militaire, Un) esprit de force brutale et dénué de scrupüles a guidé da pénétration allemande, Les publicistes 1et hommes d'Etat alliés, étudiant les causes du progrès allemand, onf constaté que son succès était dû peut-être plus encore à la méthode conservatrice des Alliés qu'à l’activilé allemande, Les producteurs françcais qui arrêtent leur activité après s'être assisré des « rentes » ont souvent él£ pris à patie, De même, on a attaqué énergiquement l’esprit des producteurs anjglais qui. se croyant intangibles dans leur monjorpole, attendaient que le consommateur étranger vint à eux, ce qui, jadis, ne manquait pasde se produire. Finalement, il cessa cependant de venir: lle commis-voy'aseu allemand était allé Le trouver sur place, et s’ingéniail à satisfaire le mondre de ses goûts! Et un beau jour, les stalistiques de l’exportation et de l'importation alleimandes accusèrent tune énorme augmentation, au détriment du rentier français et du gentleman anglais, Même le marché intérieur de ces deux pays vit pénétrer les articles allemands dans une proportion ändquiétante, L'histoire du «Made in Germany » en dit long sur ce picëni. Donc, tout le mjomde s'accorde à dire que les producteurs français et anglais doivent évoluer sérieusemient s'ils ne veulent pas assister au renouvellement des tristes expériences d'hier. Au momient où la paix se fait, notre jeune Etat doit adresser un aveértissemient à nos grands alliés français, anglais et américains, afin qu’ils ne retombent pas dans la même erreur: @b ce n’est pas seulement parce que nous avons à cœur la prospérité de ces alliés fidèles el sincèmes, mais encore, et non moins, à cause de mios propres intérêts. Avant la guerre, mous étions tributaires de-lAllemagne -et de .som « brillant second », feu l’Autriche-Honigrie, On sait de quelle manière ces deux Etats ont voulu nous égorger. Celles de mos routes qui mènent au vaste monde étant coupées, nous étions (obligés d'acheter leur vile camielote à un prix élevé et de leur céder à bas prix notre richesse, La guerre ælllemême n'a été déclenchée que dans le but de faire de nous des esclaves parfaits, soumis et propres à se laïsser exploiter. Après avoir connu à fond les bienfaits du voisinage allemand, notre jeune Royaume veut, ‘une fois pour toutes, rompre les liens qui Jattachaiïent à l'Allemagne. Nous voulons respirer librement par les poumons ue mous avons dans lAdriatique et prendre contact avec le monde entier, en premier lieu avec mos grands alliés, les Françaïs, les Anglais, les Américains. Il me faudrait donc pas croire que notre désir dé nouer des rapports économiques avec eux re soit que l'expression!

de notre reconnaissance pour ceux qui nous permettent de jouir de la liberté. Il v a une autre raison profonde dans ce désir, Eparpillés et ‘jetés dans le monde entier après notre écrasemient, nous avons vu que les articles allemands, les (seuls que nous avions connus..ne sont pas les seuls au monde et que la production de nos alliés m'est pas inférieure en sa soli-

dité à la production allemande, Ce ne sont

que notre situation d'assiégés et le caractère réservé des producteurs alliés qui nous ont emvpêchés de mouer plus tôt avec eux des relations économiques plus ‘fortes. Maïntenant que nous avons recouvré notre entière liberté, l’une des principales cäuses de notre isolement mn’existe plus. Rien ne nous empêche lus de nous approvisionner si les marchés français, anglais et amiéricaïns. Mais ül faut aussi que nos alliés se mettent au travail pour nous faciliter la réalisation de miotre désir d'aller à eux. IL faut qu'ils s'intéressent le plus vivement possible à notre marché et qu'ils viennent nous chercher.

: D’abord, il est absolument mécessaire que Île Service consulaire de nos grands Alliés soit réformé de telle facon que les agents consulaires soient désormais parfaitement versés dans les questions économiques et qu'ils s'appliquent à étudier le goût de nos consommateurs. C’est là "un facteur très important, Les Allemands l'ont très bien compris. Ensuite, une sorte de foire d'échantillons permanente devrait être établie dans motre centre commercial, afin que les acheteurs aient sous les vieux les articles dont üls ont besoin. La rigidité du crédit doit être atténuée; le producteur allié ne doit pas avoir de craintes quant à l’honorabilité de mios comnrerçants, qui ont su se faire respecter, même par les Allemands, Des richesses énormes de motre sol jet de notre sous-sol attendent encore jeur exploitation. Unée fois délivré de la tutelle étrangère, notre peuple laborieux apportera toutes ses énergies au travail. afin que ces richesses soient apportées, elles aussi, Sur le marché mondial.

La main que nos grands alliés francais, anglais et américains nous tendront sera prise avec la plus grande joie, et contribuera à l’affermissement de nos rapports amicaux, en même .temps que Sera

écartée la menace allemande qui nous

guelte tous, petits et grands. SYTIMICUS.

kutour de la paix

De notre envoyé spécial : ‘ Paris, 15 février,

On se plaint beaucoup du train dont marchent les affaires de la Conférence, et de ses longueurs. On se plaît souvent à dire que celle-ci eût plus vite terminé ses travaux si lon eût chojïsi pour lient de réunion quelque ville des régions. dévastées, Reims, Arras ou Louvain. Mais Paris, dit-on, est le pays des lotophages. Une fois qu'on y est, on voudrait y demeur rer longtemps et lon yest très content d'y perdre son temps.

Nous avons déjà parlé, ici même, de ja | physionomie des diverses délégations ainsi que de l’état d'esprit régnant dans chacune d'elles, des courants divers, des tendances particularistes. Ces derniens jours, jon Sioccupait suntout des divergences de vue de nature à faire naître entre certaines des grandes puissances de sérieux dissentiments, notamment de celles existant entre la France et les Etats-Unis Sur les mesures à appliquer à l'Allemagne, comime de celles que provoquèrent, entre la France et la Grande-Bretagne, les ambitions exbrbibitantes du Hedjaz. D’aucuns affirmaient même que ces divergences ‘auraient poux conséquence immédiate d’amentr Un rapprochement entre la France et l'Italie! dont les rapports avaient été tendus, paraît-il, durant lés dernières semaïnés.

Les Etais-Unis, l'Angleterre et la France ayant adoplé le point de vue américain: que la conférence dans ses décisions mile pourraît être liée par aucun des arrangements antérieurs conclus par ces puissances durant la guerre, il en était résulté un froid dans les relations italo-françaises, La presse italienne s’en prit à la France et lui reprocha, à iort, du reste, dé n'avoir pas pris parti pour l'Italie. Or, comme il S’agissait là d'une question de principe, la France n'avait pu agir autrement, De Ja .Sorte, les traités de Liondres et de Bucarest sans être répudiés formellement par leurs Signataïres, seront rendus caducs «ipsofacto» par les stipulations du traité de Paix qu'on conclura à Paris sur Ja baise des principes wilsonïens. Cela en vertu de la règle, le «posterior derogat priori ». Mais il ne faut pas en conclure {aue les intérêts italiens ou roumaïüns en souffriront. Au contraire, si l’on en croit certaïnes sources d'habitude bien informées, les Italiens auraïent déjà réussi à s'assurer la part du lion dans la question de l’Adriatique. On prétend, dans les milieux italiens que, pour la possession des villes de Trieste et de Fiume, la question demeure pendante. k

Officiellement, la question italo-yougo‘slave na cependant pas encore été abordée à la conférence. Cette question sera Ja pierre de touche de la solidité. de {ce 'nouvel édifice, la Ligue des Nations, donf la convention vient d'être lue, à la veille de son départ, par le Président Wilson.

L’arbitrage, qui est à la base de cette conventilon vient d’être réclamé, comme on le sait, par Îles délégués yiougoslaves dans lew: différend avec les Îtalüens. Lel point de vue joù se placent les (délégués qui Tlont réclamé, est lon ne peut plus légitime. : Mis

#

Le 8 février restera une date dans l’histoire. de notre nation, celle de la (recont naissance par les Etats-Unis de niotre unité nationale. C'est, avec la proclamation du statut de la ligue des nations, ‘un (des plus importants événements politiques qui sea soient produits depuis la réunion de la Conférence. L'exemple des Etats-Unis nf tardera pas, croyons-nous, à être suivi par les autres puissances.

Tomnrasec.

Revue des Balkans

94, Rue lsafavette - PARIS

40 Abonnement : UN AN, 30 Fr. ; Etranger, 50 Fr. Directeur, k6on SAVADYIAN.

Fartchitch. Ivan Prizmitch, Frano et Autun, frères Zuvela, Marko Gragovitch. Ivan Batchitech et Stjepan Batchitch; tous loriginaires de Vele Luka. Les trois premiers étaient fantassins, les quatre autres appartenaient à la marin de guerre autrichienne; tous se trouvaient en permission. Ne voulant plus servir l'Autriche, ils avaient décidé de déserter, Aussi, le 6 juillet, à 10 heures du soir, ils quittèrent le pays natal sur lune vieille barque à voile avec la ferme intention de gagner l'Italie.

| Après un long et dangereux voyage, ils arrivèrent, en effet, le 9 juillet, à 2 heures du matin, devant Monte Gargano et débarquèrent dans la petite ville de Vieste. Ils furent naturellement immédiatement arrêtés el incullpés d'espionnage, Leurs efforts pour persuader Jes Italiens qu’ils venaient en alliés naïurelis de l'Italie et qu’ils voulaient lui rendre un service en trahissant un grand secret qu’ils Connaïissaient, faillirent rester vains. Heureusement que, peu après, un torpilleur les prit à son tbord''et les eminena

à Brindisi, LA. ils déclarèrent qu'ils savaient de source p

sûe quuñe division de la flotte autrichienne (devait quitter Pola vers le 15 juillet, pour se rendre à Caltaro: _«Comime les Italiens redoutaient un piège de da part de lAulriche, des jeunes gens se déclarèrent prêts # -arantir de leur vie la vérité de fleurs Klires. Le Poe tank de mer, comane (on appelle en Italie ce genre spécial de bateau, les prit à bord. En quittant Brindisi, se officiers italiens leur déclarèrent qu’ils allaïent, à la ren” contre de la flotte autrichienne et que (si leurs in RE re étaient fausses, ils seraient immédiatement fusillés de 4 juillet, à 2 heures du anatin, ils arrivèrent in ail ara el aitendirent le passage de la flotte. Le RARE int étäit précédé de deux rangs de torpilleurs, ‘conia le: à n fstyan» et Sésava de couler te « Tegethlof », maïs ja torpille

ne l’atteïgnit pas. Après de grandes difficultés, connues déjà par les récits des Italiens, le bateau parvint à se sauver et à rentrer à Brindisi où bon l’accutillit avec enthousiasme. Les jeunis gens furent tout particulièrement Fêtés. : ! ‘ ï Fer Ceux-ci demandèrent ensuite à être incorporés dans la Légion yougoslave. Trois d’entre eux furent envoyés sur le front et les quatre autres attendirent des ordres à Cassino, près de Rome. Parmi ceux qui partireni: pour le front, se trouvaient Fartchüteh qui raconte qu'ils étaient SOUS] le Monte Grappa, ioù üls ne restèrent (que treize jours. Un officier italien appartenant autrefois à l’armée autrichienne leur demanda une fois s'ils voudraïent que leur pays appartint à l'Italie. Comme Fartchitch lui avait répondu énergiqüement ñon, les trois Dalmiates furent imimédiatement renvoyés À Cassinio, où ils retrouvèrent leurs camirades, avec lesquels ils demandèrent à être incorporés dans la légion yougoslave. À ce mioment (c'était vers la fin de juillet), de capitaine Rizzi vint vers eux pour leur délivrer les documents nécessaires et leur dit qu il avait reçu lune récompense d'un. million de lires pour avoir torpillé le Saint-Etienne. Il ajouta qu'il leur donneraït à eux aussi une récompense s'ils prêtaient serment au roi dItalie, ce qui laur procurerait la liberté {ét la-eloire. Les jeunes Dalmates refusèrent ‘énergiquement. ïls furent transportés alors dans le camp yougoslave de Nocera Ombra, Î Après un temps assez long, deux lafficiers français et anglais, de passage dans ce Camp, qui cherchaïent «es Dalmales capables de leur fournir des renseignements concerriant une action militaire qui devait être lentreprise au printemps en Dalmatie, causèrent avec nos jeunes Dalmates. Par la suite, les officiers ne revinrent pas dans

le camp et les jeunes Daïmiates, aünsi que tout le camp yougoslave, prêtèrent serment au roi Pierre, Entre temps, survinrent la débâcle autrichienne et la proclamation de lunité yougoslave. Les jeunes gens r'enouvelèrent alors leur demande et le ministre Bissolati envoya son (secrétaire pour examiner leur cas. Ils réussirent à se faire incorporer dans l’armée française de Salonique; puis, Fartchitch fut transporté de Salonique à Cattaro, et se trouve actuellement en route pour Belgrade, où il sera incorporé dans la flottille serbe du Danube. nel

Quelle ironie du destin!

_ Les Italiens, non seulement ont voulu par gratitude dénationaliser et hiumilier Fartchitch et ses camarades. mais ils viennent d’emprisonner $on père et son frère À Vele Luka et les ‘ont emmenés, bras liés, en Jtalie. Notons encore en passant que le frère de Fartchitch! a été pendant trois années dans les prisons autrichiennies ‘pour avoir manifesté ses Sentiments anti-autrichiens.….:

« Je regrette, nous dit Fartchitch, d’avoir aidé de tels alliés. Leur succès sur la Piave est dû “uniquement à la révolution yougoslave et: à la victoire serbe remportée. en Macédoine sur les Autrichÿens, Leur gloire (d’avoir torpillé le Saint-Etienne, ils la doivent à nous. Et pour toute reconnaïssance, ils voulaient nous emprisonner el nous proclamer Autrichiens, »