La Serbie
IVme Année. — No 21
RÉDACTION et ADMINISTRATION | @, rue du XXXI Décembre - Genève 4 Téléphone 14.05
à
Prix du Numéro : 10 centimes
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JOURNAL POLITIQUE
Genève, Lundi 19 Mai 1919
Faraissant tous les” Lundis
Rédacteur en chef : D' Lazare MARCOvITCH, professeur à l’Université de Belgrade
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A NOS LECTEURS
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Avec le présent numéro, “ La Serbie , cesse de paraître en Suisse. Sa rédaction sera transférée à Belgrade où, tout en restant sur le terrain _ national,-notre-journalss occupera également des problèmes intérieurs w,vant lesquels notre nation unie se trouve ou se trouvera après la
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: ; re | ; Su 5 its x a En prenant congé de la Suisse, nous tenons à dire que nous nous rapvellerons toujours l'accueil hospitalier et amical que nous avons trouvé à Genève dans la période la plus tragique de notre existence nationale.
| signature de la paix. |
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Après la catastrophe serbe de 1915 et l'occupation totale du pays, les fondateurs, rédacteurs, et collaborateurs de notre journal avaient
choisi Genève pour y défendre, par la plume, la cause de la Serbie. Nous avions préféré Genève à n'importe quel pays allié pour deux raisons : d'abord pour rester en contact le plus proche avec notre patrie envabieet ensuite, chose non moins importante pour avoir toute liberté d'exprimer notre pensée et de réclamér en faveur de notre droit. La Suisse seule nous offrait cette possibilité et nous lui en sommes reconnaissants à jamais. Nous. avons respecté la neutralité suisse en nous conformant strictement et scrupuleusement aux lois et règlements en vigueur et nous osons
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| espérer que nous ne laissons pas non plus un mauvais souvenir derrière nous.
Nous sommes beureux que Genève ait été choisie comme siège de la Société des Nations. Notre pays y a prêté son concours bien modeste, mais il partait du cœur et répondait à nos convictions. En effet, Genève a fait ses preuves pendant la guerre. Nous qui y avons vécu, qui y avons lutté, nous avons su apprécier la valeur de ce capital moral que représente pour la libre Helvétie et pour le monde entier
la ville de Rousseau.
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La tâche de notre journal est terminée en Suisse. Notre peuple est libre et uni. Le dernier des impérialismes, celui de Sonnino, agonise.
_ Quelle que soit la solution pratiqué qui sera donnée au problème de nos frontières, la nation unie des Serbes, Croates et Slovènes vivra et saura défendre son intégrité. Et nous espérons que les liens qui ont été noués entre la Serbie émigrée et la Confédération helvétique, ne sont que le prélude de relations économiques et politiques très intimes entre le Grand Royaume uni qu'est devenu la petite Serbie et la Suisse
| démocratique et bospitalière.
| Le traité de paix
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| Le projet de paix présenté aux plénipotentiaires allemands est trop volumi| neux pour pouvoir être examiné à fond Ldans un article de journal. Néanmoins |lune appréciation d'ensemble s'impose et (l cela d'autant plus que des critiques injus| tifiées ont été adressées au projet, non ! seulement par les Allemands, ce qui était | à prévoir, mais aussi par la presse alliée, . tout particulièrement par la presse ita-
lienne. 3 Il s'agit d'examiner d’abord la question | préalable, sur le caractère général de la | paix de Versailles. Il restera à voir ensuite | la valeur des modalités par lesquelles on | a cru nécessaire et utile de préparer et Î
d'assurer cette paix.
Lorsque, par suite du développement formidable de son commerce et de son industrie, l'Allemagne fut devenue une puissance mondiale de premier rang, elle se trouva devant l'alternative suivante : ou bien collaborer avec d’autres puissanŸ ces mondiales au gouvernement écono| mique et politique du monde et prendre * peu à peu, par les moyens pacifiques, la _ place à laquelle son travail et sa produc-
tivité lui donnaient droit; en un mot, con“ server à la rivalité et à la compétition des grandes puissances son caractère élevé de * concours pacifique en vue d'obtenir le maximum de résultats pour le bien de . l'Humanité; ou bien entrer en lutte ou-
verte avec d’autres puissances, partir du
point de vue de l'incompatibilité de la | culture germanique avec la civilisation . anglo-latino-slave, admettre comme crité. rium suprême du progrès la raison de la . force et risquer, par conséquent, à un | moment donné, la guerre générale. L Alle_ magne a choisi cette dernière solution à
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. laquelle toute l'orientation de son déve- |
loppement politique et économique de . 1870-1914 la poussait et qui répondait . mieux aux conceptions matérialistes de la . science et de la philosophie allemandes. * Ce point est aujourd’hui universellement . acquis et personne en Allemagne ne con-
testera que la victoire des armes germaniques aurait signifié la domination absolue du germanisme sur le monde entier, domination organisée selon les conceptions germaniques. Les deux paix de Brest-Litowsk et de Bucarest ne donnent qu’une idée incomplète de la paix allemande à laquelle on avait songé à Berlin, en 1914. La paix de Brest-Litowsk et celle de Bucarest ne furent pour les Allemands que des arrangements transactionnels auxquels on a dû procéder faute de mieux. La victoire germanique n’a pas été aussi décisive qu’on l'avait escomptée, et le monde fut sauvé d’un système gouvernemental purement allemand qui aurait été appliqué sur toute la terre, sur les mers et dans les airs. Les offres de paix faites par l'Allemagne au cours de la guerre ne furent que la conséquence de cette victoire-incomplète des armes germaniques. L'Allemagne voulait obtenir la cessation des hostilités, l’ajournement de la lutte pour des temps meilleurs. Le coup de 1914 n'ayant pas porté, on voulait terminer la partie en remise.
Les puissances alliées, quoique battues à plusieurs reprises n'étaient nullement disposées à accepter cette solution du conflit qui les aurait obligées à des armements permanents ou bien à la reddition ultérieure sans combat, c’est-à-dire à l'esclavage perpétuel. Leurs contre-propositions contenues dans leur réponse à la première note du président Wilson, ainsi que toute la discussion qui s'ensuivit, au sujet des conditions de la paix, n'avaient point d'autre but que de démasquer le piège allemand. On savait, en effet, que l'Allemagne ne renoncerait jamais de plein gré à ses possessions et à ses visées impérialistes. Ce n’est, en effet, que lorsque la force militaire allemande fut brisée et que les Allemands se virent battus que leur gouvernement 5€ rallia à l'idéologie alliée en acceptant les principes de Wilson, mais cette acceptation posthume ne confère à l'Allemagne aucun titre particulier à se
Rédaction de “La Serbie ,.
soustraire aux légitimes conséquences de sa"préméditation. L'Allemagne à demandé l'armistice et la paix, non pas à cause des principes Wilson qui n'étaient nullement nouveaux pour elle et qu’elle connaissait déjà en juillet-août 1914, aussi bien qu’en octobre-novembre 1918. Elle a capitulé parce que matée par les armées alliées.
Les puissances alliées ont donc à conclure la paix non pas avec une Allemagne qui aurait changé de mentalité et qui serait revenue sur ses plans primitifs, par un effort intérieur, par une purification de l'atmosphère militariste et impérialiste dont étaient pénétrés les meilleurs esprits allemands, mais avec une Allemagne battue et impuissante à réaliser ses desseins. Nous ne nions pas cependant qu’un certain changement ne se soit produit, et que le premier pas n'ait été fait vers la démocratisation de l'Allemagne. Seulement ce changement ne produira son effet qu'ex nunc; il est plus à la surface qu’au fond du caractère et de la mentalité allemands.
La paix que nous dictons à l'Allemagne apporte la liberté à tous les peuples et consacre dans le monde la prépondérance des puissances pacifiques. La suprématie actuelle anglo-saxonne, en attendant le relèvement de la Russie, est supportable parce qu’elle ne menace pas les petits peuples. Comme puissance mondiale, l’AIlemagne n’existera plus pendant un temps assez long, et cela permettra au peuple allemand de réparer, par le travail, les torts et les crimes commis. La paix avec l'Allemagne devait être une paix d'expiation et elle le sera. Les protestations allemandes basées sur les principes de Wilson sont donc déplacées, car ces principes s'appliquent autrement aux peuples agresseurs qu'aux peuples victimes.
Pour ce qui concerne les modalités particulières de cette paix que les Alliés veulent imposer à l'Allemagne, le sujet prête à discussion. Mais dans son ensemble et par son caractère général, le traité de paix, tel qu'il est sorti des délibérations alliées, correspond aux circonstances créées par l’agression allemande et mérite pleinement d'être qualifié de juste et d'équitable.
LM:
Hommage à la Suisse
Il est des pays où les plus beaux gestes et les plus grandes actions se font simplement, discrètement, dignement. La Suisse est de ces pays-là. Ayant vécu les heures les plus sombres de notre existence nationale dans la capitale intellectuelle et morale de la Suisse, devenue dès lors le siège de la justice internationale, nous y avons puisé la force morale qui nous était nécessaire dans la lutte pour notre juste cause. Avec quelle fierté nous songeons aujourd’hui que, dans cette lutte, nous fâmes soutenus non seulement par l'élite intellectuelle du pays, mais encore par tous les braves et honnêtes citoyens de la plus ancienne démocratie du monde.
À l'heure où nous devons quitter son sol pour rentrer enfin dans notre patrie libre et unie, nous tenons à remercier ceux dont l’accueil chaleureux rendit notre exil moins triste et notre séjour moins pénible, et à citer les noms des citoyens auxquels va en premier lieu notre reconnaissance, noms qui resteront gravés dans le cœur de tous nos concitoyens. Notre pensée va d’abord à ceux de nos amis qui ne sont plus, aux maîtres de la plume, Alb. Bonnard, Ed. Secretan, ainsi qu'à ceux qui furent dignes d’eux : Victor Kuhne, Marc Dufaux, Daniel Bersot. Ensuite à ceux qui leur ont succédé, qui héritèrent de leur sympathie pour nous, et qui défendirent notre bon droit avec autant de bienveillance que de talent. Nous songeons à MM. Chapuisat, M. Muret, B. Vallotton, T. Roche, au colonel Feyler, à MM. Jean et William Martin, Edm. Rossier, H. Sensine, Ed. Bauty et tant d’'autres. Des intellectuels et des hommes d'action rivalisèrent de zèle pour nous soutenir : MM. Bernard Bouvier, Alexis François, Frank Thomas, de Rabours, Sigg. Dans leurs écrits et leurs discours, ils témoignèrent des plus belles qualités suisses : indépendance de l'esprit, courage d'opinion, souci de la vérité. Aussi nos sentiments de reconnaissance leur sont-ils acquis à jamais.
M. D. MARINCOVITCH.