La terreur à Paris

LA MISÈRE 105

marchandises chez les débitants par des affidés, puis d’autres allaient piller des magasins en gros, que l’on supposait bien cachés, mais qui ne l'étaient pas pour la faction. On employa la même tactique lors des insurrections organisées par les Jacobins en germinal et en prairial an IH".

Les documents sont d’ailleurs très nombreux sur la condition misérable des armées et du peuple à Paris pendant toute la durée de la Révolution.

On possède, sur l’affreuse misère parisienne, un témoignage qui ne peut être suspect. C'est celui de Moray, ouvrier laborieux et honnête, qui était devenu le distributeur du journal de Babeuf.

Lors du procès de Vendôme, Moray racontait en ces termes les souffrances du peuple de Paris:

« Citoyens, le peuple manquait de pain dans ces tempslà. Il y avait cependant du pain chez les boulangers, chez les traiteurs; il y en avait chez les pâtissiers, chez les marchands de vin, chez les charbonniers ; tout en était rempli. Mais ce n'était plus du pain à trois sous, c'était du pain à 80, 150, 200 francs (en assignats). Un ouvrier gagnait cent francs par jour; on lui donnait trois quarterons de pain. Le matin, la femme allait chercher ce pain, qui était tout bouillant ; on avait tout mangé avant d'aller à sa journée. Il fallait se nourrir le reste du jour avec des pommes de terre. Le soir, quand il rentrait, il disait : « Ma pauvre femme, je n'en peux plus; voilà

1 « Pierre Baille était proconsul à Toulon, d'où il écrivait : « Tout va bien ici, le pain manque. » (Barbaroux. Mémoires.)