Le Comité de salut public de la Convention nationale

HISTOIRE INTÉRIEURE DU COMITÉ DE SALUT PUBLIC 61

sonnages les moins sympathiques de la Révolution.

D'où lui vient donc sa fortune? C’est qu’il a pour lui son désintéressement et la dignité de sa vie privée, ce qui manquait à Mirabeau ; — puis cette persévérance, cette action incessante, de tous les instants, — à laquelle ne put jamais s’astreindre son rival Danton ; en un mot, il possède cette force, la plus grande de toutes, selon le mot de M. A. France, « une ambition servie par une volonté ». Une volonté persévérante, dirigée vers un but toujours présent à l'esprit, jointe à un grand ascendant moral, tel est Robespierre.

Ce but, il ne l’atteindra pas complètement, parce que son idéal est trop étroit, et'‘surtout parce qu'iln’est pas un homme d'action. On ne retrouve sa main dans aucune des journées décisives de la Révolution; il ne descend jamais aux détails minutieux de la pratique, il reste dans les généralités, ilest avant tout un théoricien vague et sans hardiesse. C’est ce qui fait à la fois sa force et sa faiblesse. Il paraît être le dispensateur de l'évangile nouveau, dont la beauté rejaillit sur lui, car elle n’a subi ni les souillures ni les diminutions que lui inflige la pratique. Sa faiblesse ne se montre que lorsqu'on le force à agir ; il en est incapable. Aussi, Robespierre garde longtemps le rôle de directeur du Comité de salut public, il semble être la tête qui médite, pense, ordonne, etses collègues le bras qui exécute; mais le jour où il lui faut prendre à son tour une décision, il ne peut : il succombe.

L'esprit de résolution qui lui manque, son fidèle Sair-Jusr, son séide, — selon une expression un peu usée, mais qui rend très bien la pensée, — la possède au plus haut point. On le sent, en l’entendant s'exprimer d’une voix incisive, par aphorismes tran-

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