Le drame serbe : octobre 1915 - mars 1916

146 LE DRAME SERBE

Monastir doit être tombé, à l’heure qu'il est, entre les mains de l'ennemi. Une compagnie serbe entre dans le village, la bretelle de l'arme à l'épaule, la tête basse, le pas lent. Ceux-là arrivent de là-bas, de la dernière ville que possédaient encore les troupes du roi Pierre. Ceux-là ont combattu à Babounas, à Prilep. Ils ont lutté en vain. Il a fallu évacuer Monastir. Clandestinement, de nuit, un train a traversé Salonique, amenant vers l'armée d'Orient les héros malheureux. Ils n'étaient plus qu’un pauvre troupeau vaincu, affamé, incapable, à force de misères, d’éprouver d’autres sensations que des sensations animales. Nos hommes se sont empressés auprès d'eux, les questionnant sur les derniers combats. Les autres ne répondaient rien, Ils grelottaient dans leurs uniformes que quatre ans de guerreavaient faits minces comme dela toile. Une boulangerie militaire était là avec ses fours où cuisaient des pains ronds. Les Serbes se rangèrent autour, immobiles, éblouis par ce spectacle. L'un d'eux dit :