Le drame serbe : octobre 1915 - mars 1916

216 LE DRAME SERBE

La colonne infernale des 30.000 recrues, elle, qui n'avait ni chefs, ni ordres, ni drapeau, ni clairon, ni tambour, n'eut naturellement pas les 200 grammes de pain, et ne put participer à la distribution de charogne, ni à celle du maïs, ni à celle du son. À la frontière albanaise, un gendarme serbe attendait les recrues. Il tendit le bras dans la direction de l'Ouest et dit à la colonne : « Allez tout droit devant vous, dans un mois vous trouverez la mer. Là, il y aura des bateaux. » Puis le gendarme serbe tourna bride et s’en fut rejoindre ce qui avait été son régiment.

Alors la colonne des recrues marcha dans la direction de l'Ouest. Cela dura des jours et des semaines. Par centaines, les enfants tombaient de froid, de fatigue, de faim. Chaque campement où l’on avait essayé de dormir était marqué le matin par les cadavres de ceux qui s'étaient couchés la veille pour la dernière fois. On n'enterrait point les corps. Est-ce que les morts s’enterrent entre eux? On brouta de l'herbe, on arra-