Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures
202 LE MONTÉNÉGRO CONTEMPORAIN.
vain je délire, on me l'emporte. Oh! infortunée ! oh! vraiment infortunée !
« J'ai tout perdu, j'ai perdu mon trésor, j'ai perdu ma joie, j'ai perdu ma vie, j'ai perdu mon âme, j'ai perdu ma mère, ma mère !
« Comment relournerai-je à la maison ? Que ferai-je seule ainsi? À qui adresserai-je mes paroles? Personne ne me répondra, je resterai délaissée, pleurant sans cesse. Toujours j'appellerai ma mère et elle ne me répondra plus.
« La cloche t'appelle, le moine prie pour toi, et nous, nous te pleurons. La lombe est ouverte, ah! ils vont te mettre en terre! Je vous prie, ne faites pas si vite; je ne puis suffire à pleurer; je ne peux plus embrasser ma mere, »
Les chants se sont succédé autour du défunt, sur la poitrine duquel reposent le crucilix et les reliques, tandis qu’à la muraille sont appendues des images de la Vierge et des saints, et que brülent sur le bois du lit quelques cierges de cire. La nuit vient, sans interrompre les lamentations et les prières, et la veillée funèbre a lieu le plus souvent en nombreuse compagnie. Mais pour que le sommeil ne vienne point appesantir trop lourdement les paupières, les récits et les oraisons alternent avec les libations d'eau-de-vie, et s'il n’est plus permis de boire à la santé du parent ou de l'ami, au moins peut-on boire au salut de son âme. Au jour vont recommencer les visites de condoléance et avec elles Les cris et les gémissements.
Si la mort a frappé un guerrier, sa veuve étend devant la porte la strouka du défunt et sur elle la kapa et les armes de ce deïnier. Devant ce triste trophée, qui gardera peut-être pendant plusieurs générations d’héroïques Souvenirs, elle recommence avec les autres femmes les