Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures
CHAPITRE SEPTIÈME. 201
duquel va commencer le véritable chant des morts. Les prouesses guerrières du défunt, bien plusqueses vertus domestiques et ses qualités sociales, rempliront ces strophes improvisées, Où cà et là éclosent de véritables beautés. Car ici l'inspiration poétique n’a pas besoin de s’armer de la lyre, ni de monter au Parnasse pour y trouver des àiles : privilége heureux de la langue et de la race, elle est en quelque sorte dans le sang, et se manifeste souvent au dehors sans se reconnaître elle-même.
Une pauvre jeune fille suit le cercueil où l’on vient de renfermer sa mère, et répand ainsi sa douleur en exclamations interrompues par des sanglots :
« Ma mère, mon âme; ma mère, mon trésor; ma mère, ma défense ; ma mère, mon ornement; ma mère, ma joie; ma mère, ma vie; ma mère, ma mère.
« Trois jours je l'ai assistée, trois jours je t'ai soignée, trois jours je l'ai consolée ; je t'ai servie toute ma vie, et tu as élé assez cruelle pour m'abandonner. Seule tu me laisses ici, Comme une pauvre orpheline,
« Hélas ! ils me l'emportent, ils la conduisent à son éternel repos; ils me l’emportent ! ils me l'emportent ! Allez doucement, allez doucement, attendez; n'allez pas si vite, attendez, n'emporlez pas si vite ma mère.
« Oh ! regarde-moi, ma mère; regarde cette malheureuse qui pleure, regarde cette pauvre infortunée, Ah! tu ne la regardes plus ; tu continues ton chemin.
« Oh! j'étais née pour le malheur! Mon frère, mon frère, maintenant finit la sixième année, depuis que tu m'as abandonnée; mais ma mère me restait; et maintenant elle aussi m'est enlevée, il ne me reste plus personne. Je suis une pauvre délaissée, trop malheureuse.
« Je donnerais tous les trésors, je donnerais l'univers entier; je sacrifierais ma vie, ma vie et mon âme; mais en