Le Monténégro contemporain : ouvrage orné d'une carte et de dix gravures
CHAPITRE DIXIÈME. 351
jeune Monténégrine eût-elle pu croire alors qu'un jour viendrait où l'un des plus grands princes de l'Europe, à la fois empereur et roi, rendrait ce galant hommage à son titre et à sa beauté? Merveilleusement douée pour s'assimiler l'élégance et la distinction dons elle voyait, en face d'elle, dans la princesse douairière, le type le plus parfait, Miléna Nikolawa ne devait point rester longtemps inférieure à la haute position où elle était arrivée : bientôt la Svietla Kneginia reçut sans étonncment el sans embarras les hommages de ces vieux guerriers si peu habitués à s’incliner devant une prééminence féminine.
La tranquillité passagère dont jouissait la Tsernagore, depuis l'avénement de Nicolas I‘, ne devait point remplir même la première année de l'heureuse.union que le jeune prince venait de contracter, et bientôt les soucis du gouvernement, non moins que les péripéties d'une guerre malheureuse, allaient l'arracher à cet enivrement, auquel nul ne saurait, dans l'orgueil et le prestige du pouvoir absolu, complétement échapper.
La mort du prince Danilo avait été, en effet, plus que tout autre événement, bien propre à ranimer le courage des Turcs, aux oreilles desquels retentissait encore le glas funèbre du massacre de Grahovo. Le despotisme musulman relevait la tête dans les provinces serbes de l'empire, et les rajas, courbés sous le sabre des bachibouzouks, n'attendaient que le moment favorable pour tendre la main aux héroïques Monténégrins. L'Herzégovine presque entière se souleva, et de la Soutorina à Baniani et Piva, d'un côté; de l’autre, de Niksitch aux Drobniak et à Scharanzi, l'insurrection rassembla tout ce qui avait au cœur la haine de l'oppression. L'armée