Le mouvement des idées : sur une histoire de la Révolution

Bt

qe

LE MOUVEMENT DES IDÉES 525

que les serfs d’hier deviendraient les prolétaires de demain. Voilà, en somme, à quel réalisme intéressé et ingénieux M. Kropotkine ramène l'idéalisme réformiste et grandiloquent qui s’est épanché dans tant de discours, exalté dans tant de fêtes et de cérémonies, et exprimé dans la Déclaration des droits de l’homme.

Il en reprend la caractéristique en mainte occasion, — chaque fois que les événements soulignent la différence d'intérêts et d’aspirations qui subsiste entre des alliés, dont l’un cherche sans cesse à entrainer ou à exploiter l’autre. Les paysans ne pensent qu'à obtenir l'abolition des droits féodaux et à reprendre les terres communales; les bourgeois veulent avant tout s’emparer des droits politiques. Aussi longtemps qu'elle est parallèle ou concomitante, cette double action fait la force de la Révolution. Les mouvements populaires appuient l’effort de la bourgeoisie et permettent « à la Révolution d'accomplir l'immense travail de démolition que nous lui devons » (p. 124); ce sont eux aussi qui établissent « les premiers jalons d’un régime égalitaire » (d.); ce sont eux, en un mot, qui lui donnent son vrai caractère et la différencient des autres révolutions. Mais les révolutionnaires bourgeois, du moins pour la plupart, ne s’en doutent pas : ils ne voient dans « lé soulèvement des paysans » « qu’un danger contre lequel il fallait s'armer » (p: 152) : ils ont peur, au début, du peuple des campagnes comme ils auront peur, dans la suite, du peuple de Paris. Ils sont toujours à deux doigts de s'entendre avec la Cour pour organiser la réaction » (p. 276); mais ils se laissent entraîner plus loin qu’ils ne voudraient, tout en protestant. Du reste, dès qu'ils le peuvent, ils recommencent à spéculer : sans cesse ils se fâchent avec leurs alliés du peuple, pour le plaisir de gagner de l'argent. Ceux-ci leur reprochent, non sans raison, de s’élever « sur les ruines

‘de l'aristocratie nobiliaire » (p. 483), d'encourager les