Le mouvement des idées : sur une histoire de la Révolution

526 LE MOUVEMENT DES IDÉES

tentatives de l'étranger contre la République, et de préparer pour le peuple des liens tout aussi oppressifs que ceux dont il venait de se délivrer. Or, cette résistance de la bourgeoisie à la Révolution a pour cause son attachement à l’idée de propriété, qui

est le « vice primordial de la Révolution » (p. 82), et à

circule à travers toute son histoire « comme un fil noir » (p. 287). C’est l'attachement de la bourgeoisie au maintien de la propriété qui empêche d'aboutir à l’établis. sement complet et définitif de l'égalité économique, à laquelle tendent le peuple et ses chefs préférés, comme Marat et même, dans une beaucoup plus faible mesure, Robespierre. C’est quand on comprend que la propriété est menacée, que la réaction réunit ses forces, et parvient enfin à enrayer le mouvement. La réaction qui s'organise alors, après le 9 thermidor, aboutit à la réalisation intégrale du programme bourgeois, encore qu’on

ne s’en rende compte qu'après « les orgies de la Ter-

reur blanche » (p. 730). Le peuple a gagné beaucoup, puisqu'il a secoué la tyrannie féodale; mais la bourgeoisie a tout gagné, puisqu'elle sera désormais installée au pouvoir, et pourra satisfaire ses gros appétits d’argent grâce aux inépuisables mamelles que lui livreront le commerce et l’industrie. La royauté a péri, le jour où le postier Drouet a arrêté Louis XVI; la noblesse a péri en prêtant son concours: à l'étranger contre le pays; mais la propriété est sauvée. En sorte que, si la bourgeoisie a réussi dans son entreprise, il n’en est pas/de même pour le peuple, pour qui tout est à recommencer :

« Quelle sera la nation qui prendra sur elle la tâche terrible et glorieuse de la prochaine grande révolution? On a pu croire un moment que ce serait la Russie. Mais, si elle pousse sa révolution au delà d'une simple limitation du pouvoir impérial, si elle touche révoluttonnairément à la grande question foncière, — jusqu'où ira-t-elle?... » (P. 745-146.)

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