Le mouvement des idées : sur une histoire de la Révolution

LE MOUVEMENT DES IDÉES 529

quand les massacreurs furent las. Faut-il admettre cependant que lejpeuple se montra, cette fois, cruel et féroce ? N’allez pas le croire : ces massacres « étaient la conséquence inévitable du 10 août et de la politique louche des gouvernants elle-même pendant les vingt jours qui suivirent la prise des Tuileries » (p. 391). Au surplus, si l’on veut les juger, il importe de tenir compte d’ « un fait qui passe inaperçu chez les historiens, mais qui résume toute la situation, et donne la vraie raison du mouvement du 2 septembre» (p. 393) : après avoir tant tâtonné et tergiversé, « l'Assemblée se décida enfin » à déclarer « que le respect pour la future Convention empêchait ses membres de prévenir, par leur résolution, ce qu’ils attendaient de la nation française; mais qu'ils prêtaient, dès maintenant, comme individus, le serment qu’ils ne pouvaient prêter comme représentants du peuple : de combattre de toutes leurs forces le roi et la royauté! » — Le vote de cette adresse fit aussitôt cesser les massacres; d’où M. Kropotkine conclut que, « si une déclaration nette de ce genre avait

été votée immédiatement après le 10 août, et si

Louis XVI avait été mis en jugement, les massacres de septembre n'auraient certainement pas eu lieu. Le péuple aurait vu l'impuissance de la conjuration royaliste du moment qu'elle n'aurait pas eu l'appui sûr de l'Assemblée, du gouvernement » (p. 394-905). C’étaient donc, une fois de plus, les réactionnaires qui avaient préparé l’émeute, les royalistes qui avaient poussé le peuple à les égorger, et, comme on dit, le lapin qui avait commencé. En politique, hélas! c’est toujours lui qui commence.

Je ne peux pas reprendre, l’une après l’autre, les plus terribles journées de la Révolution, pour montrer comment M. Kropotkine les interprète. C’est toujours à peu près de la même manière : l'émeute a toujours raison. Quand le sang coule, c’est parce que c’est iné-