Le pacte de famine, histoire, légende : histoire du blé en France

14 LE PACTE DE FAMINE

croyaient avoir droit à sa protection et lui auraient reproché son indifference*.

Nous devons donc reconnaître que l’ancienne administration, par suite de circonstances qu’elle n'avait pas créées, se trouvait en présence de très grandes difficultés lorsque malheureusement les récoltes étaient mauvaises, mais nous espérons aussi prouver que ceux qui se succédèrent au pouvoir furent rarement au-dessous de leur tâche et que tous les efforts de la royauté tendirent à procurer au consommateur le pain au meilleur marché possible, sans apporter un préjudice trop considérable au producteur : « Le soin des pauvres dans ces temps de disette est le premier et le plus triste objet qui se présente, et il est bien digne de la piété du prince et de la vigilance des magistrats d'y faire attention. C’est aussi dans cette veuë que l’on ouvre des ateliers publics pour occuper les valides, que l’on reçoit dans les hôpitaux les invalides et Les malades ; et que par des cottisations volontaires sur les personnes aisées l’on fait des fonds d’aumosnes que l’on joint aux libéralités charitables du prince et que l’on répand dans toutes les familles où l’on reconnoist qu'il y a un véritable besoin ?. »

1. « Si un homme consacrait ses jours et souvent ses veilles, sa fortune, toutes ses facultés à faire venir pour vous, detous lespoints du monde et à quatre ou cinq fois moins de frais qu’il ne vous en faudrait à vous-mêmes, les grains et la farine qui vous sont nécessaires ; s’il avait la précaution, à laquelle vous ne songez pas, de resserrer une partie de la récolte quand règne l'abondance, de garder précieusement cette réserve, d’en prendre des soins coûteux et incessants ; puis s’il vous la rendait tout entiére, sans en retenir un grain de blé, quand vous allez manquer, réalisant à bas prix pour vous l'institution devenue impraticable des greniers d’abondance, dites, auriez-vous assez de bénédictions pour cet homme ? Eh bien, c’est là précisément ce que le commerce a accompli d’un bout de l’année à l’autre et d'année en année. » V. Modeste, op. cit., 275.) Ce que le commerce réalise de nos jours avec des risques, mais avec des bénéfices, à l'égard des consommateurs, le gouvernement de l’ancien régime l’a fait avec des risques beaucoup plus grands et avec des pertes. —« Entretenir perpétuellement dans une ville, telle que Paris, une consommation immense, dont une infinité d'accidents peuvent toujours tarir quelques sources; réprimer la tyrannie des marchands à l'égard du publie, et en même tems animer leur commerce ; empêcher les usurpations mutuelles des uns sur les autres, souvent difficiles à démêler reconnaître dans une foule infinie tous ceux qui peuvent aisément y cacher une industrie pernicieuse, en purger la société, ou ne les tolérer qu’autant qu’ils peuvent lui être utiles par des emplois dont d’autres qu'eux ne se chargeroient pas, ou ne s’acquitteroient pas si bien; tenir les abus nécessaires dans les bornes précises de la nécessité qu'ils sont toujours prêts à franchir, les renfermer dans l'obscurité à laquelle ils doivent être condamnés, et ne les en tirer pas même par des châtimens trop éclatants. voilà quelles sont en général les fonctions du magistrat de la police » — Fontenelle, Eloge de d’Argenson.

2. Delamarre. Traité de la Police, édition de 4710, IT, 982.