Le système continental et la Suisse 1803-1813
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numéraire était rare. C’est ainsi que, d’après une correspondance du «Journal helvétique », la principauté de Neuchâtel consacrait annuellement à l’achat de denrées coloniales une somme comprise entre 3 à 400 000 livres {. Aussi les économistes suivaient-ils avec inquiétude le développement des nouvelles habitudes contre lesquelles tonnaient les moralistes. C.-Ulysse de Salis-Marschlins mettait ses compatriotes des Grisons en garde contre l’augmentation générale d’un luxe dont Pestalozzi, dans son roman « Léonard et Gertrude », constalait les effets désastreux sur les paysans argoviens ?. Ces protestations demeurèrent vaines et au début du dixneuvième siècle, le peuple ressentit vivement l’influence du régime économique qui l’obligeait à rompre avec des habitudes fortement enracinées.
On a pu se rendre compte, au courant de cette étude, des événements qui réagirent successivement sur le prix des denrées coloniales. Au premier renchérissement provoqué par les événements de 1806 succède, de 1807 à 1809, le mouvement de spéculation désordonnée sur lequel nous avons plus haut, à propos du coton, attiré l’attention. Après la violente crise financière de 1809, les prix se maintiennent relativement modérés jusqu’au moment où les symptômes précurseurs du décret de Trianon précipitent de nouveau le marché européen dans l’affolement.
De 1811 à 1813, une sorte de torpeur semble régner et on observe une dépréciation lente et régulière des produits coloniaux. On peut d’abord l’attribuer à l’application sévère
1 L'auteur de la lettre du Journal helvétique, après avoir qualifié avec mépris le café de « mauvais légume des Isles, » proposait d’établir sur l’importation des denrées coloniales un droit de 1000 pour 100 (séc).
Voir aussi à ce sujet les Mémoires présentés de 1793 à 1806 à la Société d’émulation patriotique de Neuchâtel ; — Musée neuch., 1878, p. 9.
2? De Salis citait l'exemple de la commune de Seewis dans le Prættigau, dont les habitants ne consommaient jadis que quelques mesures de vin annuellement, et qui, à la fin du dix-huitième siècle, faisaient une énorme consommation de vin et de café.
Neuer Sammler, 1804, p. 290.