Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma, S. 103

LES DÉBUTS DE LA RÉVOLUTION 91

Sous l'empire de cette mutuelle excitation, le Jundi 30 mai 1791, jour anniversaire de la mort de Voltaire, les deux théâtres rivaux donnèrent une représentation de Prutus; en outre, les comédiens de la rue Richelieu rendirent un solennel et éclatant hommage au poète dramatique, ainsi qu'aux principes défendus par l’illustre philosophe. Monvel jouait Brutus et Talma Titus.

A cemême théâtre, dans l'espace de trois semaines, on donna trois nouveautés en cinq actes et en vers : d'abord L’Intrigue épistolaire, par Fabre d'Eglantine, le 15 juin 1791, avec Grandmenil, Michot, Dugazon, Talma et M: Lange pour interprètes.

Puis, Jean sans Terre, tragédie de Ducis, jouée le 23 du même mois.

Enfin, le 7 juillet, Jean Calas ou l'Ecole des Juges, par Chénier, clôturant la trilogie des drames représentés sur le même sujet.

Cette pièce abondait en tirades déclamatoirestelles que celle-ci, prononcée par M°° Calas :

O vous, prêtres cruels, magistrats odieux,

D'une épouse en fureur entendez les adieux.

Un jour viendra, sans doute, où, las de tant de crimes, Le ciel doit satisfaire aux cris de vos victimes.

On ne vous verra plus, entourés des bourreaux, Dominer sur la France au milieu de tombeaux;

Sur vos fronts orgueilleux les foudres vont descendre; Du malheureux Calas ils vengeront la cendre;

Son nom sera sacré; vos noms seront flétris;

Et je mourrai contente en voyant vos débris.

Dans le rôle de l’honnête magistrat La Salle, Talma accrut encore sa réputation par la chaleur et l'énergie de son jeu. C'était lui qui se trouvait chargé de formuler la moralité de la pièce dans la scène finale : Peuple, observez-le bien, ce juge infortuné,;

A d’éternels remords le voilà condamné.