Le théâtre français pendant la Révolution 1789-1799 : avec plusieurs lettres inédites de Talma, S. 119
LES DÉBUTS DE LA RÉVOLUTION 107
La Comédie-Française sacrifiait bien, parfois, aux nécessités politiques par quelques pièces de circonstance, comme dans Lucrèce, mais elles semblaient
âles et incolores auprès de celles jouées à la rue Richelieu. Par suite, elle était accusée d’aristocratie au premier chef. Après le conflit meurtrier, du 10 août, entre les Suisses et les patriotes, pour atténuer cette suspicion, le comité de surveillance de la section du théâtre de la Nation, par une lettre du 13 août, avisa l'Assemblée nationale qu’une représentation serait donnée au bénéfice des veuves, orphelins et blessés de la journée du 10 août.
Le soir de cette journée mémorable, à ce théâtre, on jouait la Métromanie, et au théâtre de la rue Richelieu le Legs et Œdipe chez Admète.
Trois semaines plus tard, la terrible journée du 2 septembre faisait fermer tous les spectacles de Paris. L’épouvante planait sur la ville, et un sentiment d’effroi paralysait tous les esprits (1).
Le théâtre de la Nation resta fermé jusqu’au 20 septembre, et celui de la rue Richelieu jusqu’au 27.
Il faut reconnaître que les partisans de l’ancien récime, qui, de leur côté, soutenaient de toutes leurs
(1) Le ? septembre 1792, un convoi de prêtres insermentés, qu'on transpôftait à l'Abbaye, y fut massacré par la populace, qui se rua ensuite au-couvent-des Carmes: cent quatrevingt-six ecclésiastiques et un laïque y étaient gardés à vue dans la chapelle transformée en prison.
L'histoire raconte que, vers cinq heures du soir, les prisonniers furent poussés de l’église dans les jardins. A peine y étaient-ils parvenus, que les exécutions commencèrent : la chasse etle massacre à l’aide de fusils, de piques et de haches. On évalue à quarante-quatre le nombre de ceux qui purent échapper à la mort, et franchirent la clôture, en grimpant le long des arbres attenant presqu'à la muraille. A sa sortie de la chapelle, où il avait été ramené, le reste des prisonniers fut abattu sur le perron par des feux de peloton.
À cet endroit existe cette inscriptior laconique et expressive : Hie ceciderunt. ;