Les derniers jours d'André Chénier

LES DERNIERS JOURS D'ANDRÉ CHÉNIER 207

journaliste, ennemi de toutes les tyrannies et de toutes les iniquités. Collaborateur du Yournal de Paris, il - avait publié beaucoup plus d'articles que de poèmes. Son Avis au peuple français, ses réflexions sur le Choix des Députés, sur l’/ndiscipline de l’armée, sur la Nécessité de l'Union, sur les Manœuvres des Facobins, son courageux examen De la cause des désordres qui troublent la France et arrêtent l'établissement de la liberté, étaient trop sérieux pour intéresser l'âme légère de la jeune captive. Orateur qu'un bon juge, Lacretelle, après l'avoir entendu au club des Feuillants, comparait à Vergniaud, il avait l'indignation véhémente, le geste fougueux, oule recueillement profond et silencieux du lutteur qui s'apprête à la bataille. Et ce sont des vertus excrptionnelles qui n'ont aucun emploi dans la banale conversation de tous les jours. .

Le portrait que le peintre Suvée a fait de lui à SaintLazare, le 29 messidor (17 juillet 1794) — neuf jours avant sa mort — nous rend bien la noblesse de son front prématurément dépouillé, comme agrandi par la pensée, l'expression mélancolique de ses yeux profonds et pensifs, l'imposante majesté de sa tête puissante. S'il tenait de sa mère une sensibilité délicate, un esprit charmant, il tenait de son père, l’ancien consul des Echelles du Levant, plus tard chargé d'affaires de France au Maroc, une droiture inflexible, un peu de raideur, une intransigeance fière, une précoce gravité.

Or chacun sait que les jeunes femmes trop coquettes n'aiment pas beaucoup les jeunes gens très graves. Elles ne les trouvent pas suffisamment amusants. Aimée n’a jamais compris ce qu'il y avait de charmant, d’auguste et de sacré dans le poétique voisinage de celui qui a fixé son sourire dans un chef d'œuvre immortel. Ses Mémoires, publiés naguère, ne mentionnent même pas le nom d'André Chénier.

D'autres soins réclamaient la Jeune Captive inscrite