Les fêtes et les chants de la révolution française

PRÉFACE. XV

Les fêtes nationales se multiplièrent, sous des apparences diverses et dans un esprit plus ou moins mobile, suivant Je caprice des temps, mais faisant appel à des ressources presque constamment semblables. C'étaient d’abord des défilés, des cortèges dans lesquels figuraient les personnages les plus populaires et ceux auxquels il s'agissait de faire honneur ; des arcs de triomphe, des chars, des décorations symboliques; puis des discours, le serment de sauver la Patrie ou d'être fidèle à la loi. Pendant toute la cérémonie, de la musique.

La musique est, en effet, le seul de tous les arts qui remplisse à la fois le double but poursuivi par l'institution des fêtes nationales. Elle participe à leur éclat extérieur, en même temps qu’elle en sait exprimer le sentiment intime. Aussi, dès le premier jour, en a-t-elle été l'élément inséparable et presque essentiel. Les brillantes et triomphales sonorités des cuivres, les marches entraînantes, les chants imposants ou joyeux donnent tout d’abord à la fête le mouvement, l'éclat, la vie. Mais vienne le moment où la cérémonie prendra un caractère auguste, où les âmes se confondront dans une même pensée, tendront de s'élever vers un idéal inconnu, peut-être inaccessible, la musique planera par-dessus tout cela, traduisant la pensée commune, formulant, par des accents souverains, la prière dont l'expression imprécise est dans tous les cœurs.

Car c’est un des plus précieux privilèges de la musique d'exprimer, et parfois avec la plus grande puissance, le sentiment collectif.

Toutes les religions ont connu la vertu du chant et considéré son usage conme légitime et nécessaire. Les premiers chrétiens s'assemblaient dans des réunions dont le but était d'affirmer leur foi par des cantiques ; et l’on sait quelle prépondérance la musique a prise, dès les premiers temps, dans les cérémonies du catholicisme. Quand vinrent les luttes de la Réforme, le chant reprit sa place de combat; Luther créa le choral, chanté à l'unisson par tout le peuple : ce fut, pour sa cause, une force considérable. De même partout, à toute époque. Il semble, quand les voix se sont unies, que les cœurs se comprennent mieux : il s'établit

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