Les fêtes et les chants de la révolution française

140 FÊTES ET CHANTS DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE.

la Convention. Que se passa-t-il dans cette entrevue? Nous ne pouvons le dire d’une façon positive et circonstanciée. En bloc : Robespierre fit défense à l’Institut national de musique de chanter les vers de Chénier; il ordonna en outre qu'un Hymne à l'Ëtre suprême fût chanté aux Tuileries, entre les deux parties de son discours, et qu'il fût chanté par le peuple. C'était tout, et c'était clair.

L'on devine le désarroi quand Sarrette revint à l’Institut apportant cette nouvelle! Plus que trois jours, et tout à refaire!

Mais d’abord, quelle était donc la cause de cette interdiction des vers de Chénier? Les deux écrivains qui, seuls à nous renseigner sur ces incidents, nous ont, très tardivement (quarante-sept ans, soixante-deux ans après l'événement) apporté l'écho des souvenirs de Sarrette et de Gossec, ont fait là-dessus des contes qu'il n’est guère possible de prendre au pied de la lettre. L'un veut que Robespierre se soit refusé à admettre à la fête à laquelle il devait présider les vers d'un « fédéraliste », un « girondin », tandis que l’autre prétend qu’il se serait senti visé par les expressions d’une strophe invoquant le Dieu qui « sous le dais fail pâlir la puissance », Dieu « tourment du crime heureux ».

Ce dernier témoignage est récusé par une observation des plus péremptoires : la strophe en question est une de celles que Gossec a omis de mettre en musique.

Pour l’autre imputation, elle est vague.

Pourtant, ne pourrait-il pas se faire qu'il y eût quelque chose de fondé dans cette dernière, et que les vers de Chénier eussent été écartés pour des causes politiques? L'examen sommaire du rôle joué par le poète dans la vie révolutionnaire va peut-être nous dire si cette hypothèse n’est pas plausible.