Les fêtes et les chants de la révolution française

448 FÊTES ET CHANTS DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE.

peuple à l'exécution musicale fut la principale cause des difficultés qui s'élevèrent entre Robespierre et les musiciens. Et vraiment, il y avait de quoi s'inquiéter. Avaiton jamais vu chose pareille? Faire chanter le peuple! Lui enseigner des chants nouveaux, le faire répéter, lui battre la mesure, l’obliger aux intonations justes, le plier à la discipline d’une exécution d'ensemble, avec accompagnement d'orchestre! Ceux qui ne sont pas du métier ne se doutent pas de ce qu'il pouvait y avoir d’effrayant dans une telle entreprise, et je me rends bien compte de l’émoi qui dut saisir Gossec quand il sut qu'il aurait à conduire une pareille exécution. L’on ne pouvait mème pas se rendre compte à l’avance de ce que produirait un effort si inusité. Où était le temps où un Bach, pour l'exécution de ses cantates ou de ses sublimes Passions (œuvres populaires, à coup sûr), se contentait de vingt-cinq à trente exécutants, — trois violons, autant de voix à chaque partie? Ne remontons pas si haut, etne songeons qu'à Gossec : quand, en 1773, il avait pris la direction du Concert spirituel et qu'il avait porté à cent le nombre des exécutants, chœur et orchestre réunis, l’on avait été émerveillé par ce rare déploiement de forces musicales. Les livrets des opéras de Gluck qui donnent les noms des « acteurs et actrices chantant dans les chœurs » ne dépassent jamais le nombre de quarantehuit, douze à chaque partie. Il est bien vrai que ces proportions furent dépassées dès les premières fêtes de la Révolution: on chantait en pleinair, les chœurs furentrenforcés, les violons remplacés par des instruments à vent, plus sonores; mais on restait encore dans des conditions normales d'exécution, et il semblait qu’on avait produit un effet de sonorité admirable lorsqu'on avait groupé trois cents tambours dont les roulements se mélaient aux derniers accords de la musique. Qu'allait-ce donc être