Les fêtes et les chants de la révolution française

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LA FÊTE DE L'ÊTRE SUPRÊME. : 149

maintenant? D’après le Détail, rédigé par la Commission exécutive de l’Instruction publique, il devait être désigné dans chaque section, < pour occuper la montagne élevée ju Champ de la Réunion » et chanter les trois strophes de Chénier sur l'air de la Marseillaise, dix vieillards, dix mères, dix jeunes filles, dix jeunes gens et dix enfants (garcons), au total, pour les 48 sections, ? 400 personnes; enfin il était spécifié, par le Détail aussi bien que par le texte de la poésie, que les refrains sur l’air de la MarseilJaise seraient chantés par tout le peuple. C'était donc multiplier les exécutants à l'infini! Que sortirait-il d'une telle entreprise? Folie, ou sublimité? Discordance, ou harmonie d’une puissance incomparable? Nul ne pouvait le dire d'avance. Mais surtout, comment faire pour apprendre au peuple ce qu'il devait chanter? Passe encore pour le chœur du Champ de Mars, dont l'air était connu de tous. Pourtant il y avait déjà une certaine difficulté à adapter à cet air des paroles nouvelles : si encore tous les exécutants avaient su lire! Mais ce n'était pas encore assez : voilà que maintenant il fallaitcomposer pour ce peupleun chant nouveau, puis lui enseigner à le chanter! C'était là le plus difficile, et l’on conçoit aisément qu'il ait fallu que Robespierre ordonnât pour que les musiciens de l’Institut national se missent résolument en devoir de le satisfaire.

Il convient, je pense, de faire quelques réserves quant à la rapidité vraiment fabuleuse avec laquelle cet ordre aurait été exécuté : s’il fallait en croire les principaux narrateurs, le Comité de Salut public aurait adopté le poème de Desorgues dans sa séance du 17 prairial au soir, l'aurait ensuite envoyé à l'Institut avec ordre de le mettre en musique, et cette musique aurait été composée, gravée et mise en répétitions le lendemain 18 à trois heures!