Les fêtes et les chants de la révolution française

180 FÊTES ET CHANTS DE LA RÉVOLUTION FRANÇAISE.

même d’où l’œuvre est sortie, l'Institut national de musique, où, pour la fête de l'Être suprême, nous avions déjà été mis sur la seule voie qui conduisit à la connaissance de certains faits intéressants confirmés par ailleurs.

D’après cette tradition, Chénier, déjà inquiété dans son œuvre par les incidents de Timoléon et de l'Hymne à l'Être suprême, croyant décidément pouvoir craindre pour sa personne après le vote de la loi du 22 prairial (loi des suspects), alla chercher asile chez ses amis de l’Institut national de musique, où Sarrette le cacha, dit-on, dans la chambre habituellement occupée par Catel. Dans cette prison volontaire, sa pensée allant aux frères qui, là-bas, combattaient pour la patrie et pour la gloire, à ceux qui partaient pour les frontières, abandonnant foyer, famille, mères, fiancées, — se souvenant aussi du beau thème que David avait proposé à la fin de son Plan pour la fête à l'Êlre suprême, et que déjà lui-même avait tenté de traiter en trois strophes insuffisantes pour l'ampleur de la conception (les fils jurant de rapporter leurs armes victorieuses et de purger la terre des tyrans, les filles promettant de n’épouser que les bons serviteurs de la patrie, les mères s'enorgueillissant de leur fécondité, les enfants songeant au jour où il faudra fermer des paupières aimées, et tout le peuple proclamant sa volonté souveraine de ne poser les armes qu'après avoir anéanti les ennemis de la République), il se laissa aller à sa fonction naturelle de poète, et écrivit les strophes ardentes où tour à tour il donna la parole aux représentants du peuple, aux mères, aux vieillards, aux épouses, aux guerriers. Sarrette transmit les vers à Méhul. Certains narrateurs, pour donner à leur récit un tour romanesque, ajoutent ce détail, d’ailleurs plausible, qu'il lui fit cette commu-